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DECEMBRE
.Décembre, doux réconfort
De la Mort,
Décembre qui nous charries
Les rhumes, influenzas,
Corizas
Et autres saloperies ;
Décembre, effroi des souliers
Et des pieds,
Pour ceux " qu'a " pas de voiture,
Obligés de patauger,
De nager
Dans ta boue et ton ordure.
Décembre, à peine es-tu là
Que voilà
Le troupeau des pauvres hères
Comptant leurs pieds sur leurs doigts,
Sous les toits
Et sous les portes-cochères.
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Sur des sourcilleux sommets
Plus jamais
Le soleil ne se relève ;
Mais un infâme brouillard,
D'autre part,
Nous embrume la cervelle.
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Adieu, les petites voix
Dans les bois,
Bourdonnant comme des ruches ;
Les arbres, hier chevelus,
Ne sont plus
Que madriers et que bûches ;
Seuls, ces affreux moricauds,
Les corbeaux,
Troublent de leurs cris funèbres
Le silence des forêts :
tu dirais
Qu'ils sont la voix des ténèbres.
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Il semble qu'en cette nuit
Tout nous nuit :
Je ne sais quoi de flébile
- Tel un coeur qui se repent -
Se répand
Sur la campagne et la ville.
Décembre, c'est toi, fumier,
Qui, premier,
Rend nos âmes si dolentes ;
Toi qui fanes et pourris
Nos pourpris
Et nos fleurs suavéolentes ;
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C'est toi, stupide vieillard
Béquillard,
Qui précipite l'année
Dans l'inconnu décevant,
Et devant
Que la suivante soit née ;
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C'est toi qui mets sur mon chef,
Derechef,
Ta neige blanchie à Londre,
Dont je me passerai bien,
Et que rien
Au monde ne saurait fondre ;
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Toi, qui me tiens des discours
Sur les jours
Que je négligeai de vivre,
Trébuchant dans mon devoir,
Sans savoir,
Comme ferait un homme ivre.
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Toi qui me dis : " O Ponchon !
Mon cochon,
Encore quelques semaines,
Et comme tout un chacun,
Auras un
An de plus pour tes étrennes ! "
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le Journal
10 déc. 1900
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