1 oct. 2007

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L’ŒUF AU RIZ
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Le docteur Pierre Vachet propose un nouvel art de vivre : l’Euphorisme
Les Journaux
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Ah ! Mes pauvres enfants ! Tout de suite, qu ‘apprends-je
Comme je sors d’ici ?
Une chose incroyable, absurde autant qu’étrange.
Ecoutez bien ceci :

Croulerions-nous sous les désastres
Peu nous chaut, et qui s’en soucie
Désormais, puisqu’un médicastre,
Tous, nous invite à l’euphorie…

Venez ça, petites chéries
De lys et de rose pétries
Laissez-vous déplacer mes mies
Voici le temps de l’euphorie

Las, pauvre poète burlesque
Tintamarro-funambulesque.
Qu’est-ce que je viens faire ici ?
Voici le temps de l’euphorie…

Qui de lui, de moi le plus saoul ?
Aussi vrai qu’on me dit Raoul
Ne voilà-t-il pas qu’un ivrogne
Ayant sans doute mal compris,
Au caboulot, le rire en trogne
Commande au patron l’œuf au riz ?


L’Œuf au riz, je vous le demande
Est-ce là plat que sur commande
A mitonné le Paul Bocuse
Maître queux à la science infuse ,

Ou bien, mais je n’en suis point sûr,
De cette Nouvelle cuisine
Sur laquelle, Mesdames, j’urine
Sauf votre respect bien sûr ?
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Muse, dis-moi donc, je te prie,
De quoi donc est fait l’œuf au riz
Ce régal qui n’a pas de prix
Et qui nous met en euphorie.

Et si c’est un plat rationnel
Pour l’enfançon qui sur la paille
Avec un âne et des volailles
Est né le beau jour de Noël.


Mais soudain un doute m’effleure
Moi qui, du vin, cherche la fleur.
L’oeuf, au dire des spécialistes,
Fait de tout nectar un vin triste,
Un pissat d’âne, un reginglard
Un tord-boyaux. Est-il si tard,
Sommelier, pour qu’on ne nous porte
Ce vin qui ouvre les portes
De cette euphorie, justement ?
Foi de Noë, de Saint Amand.


Foi de Ponchon, et que ce vin
Descendant au profond ravin
Qui est notre gosier grandiose
Le fasse de pure métal rose…


Ce bruit qui sent bon, que je meure
Si ce n’est celui des oignons
Qui se trémoussent dans le beurre.
Prélude à la cuisson du riz? Cré nom,
Par tous les gnons et les trognons,
Un riz sans oignons n’est pas bon !
Et que la savante industrie
Des Vatel de ma patrie
Y ajoute un œuf qui soit frit
A point, la voilà l’euphorie !


Je suis de candeur sans pareille
Et de presque tout revenu,
Mais si Bacchus trouvait en ses bouteilles
La meilleure à ce plat reconnue,
Je crierais « vive l’œuf au riz ! »
Et sortirais de cette vie
N’ayant que ma chemise au cul.
Tant d’autres, mal buvant d’ailleurs, n’en ont pas plus !


Robert Courtine
1984

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