14 sept. 2007

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LE SAUCISSON
A M. le comte de M…, qui m’avait envoyé un magnifique saucisson d’Arles.

Parbleu ! Mon gentilhomme,
Eprouvé gastronome,
Ce saucisson vainqueur
Que ta munificence
M’adresse de Provence,
Il me va droit au cœur.

Mais, ami, je te parle :
Quoi ! Ce citoyen d’Arles
N’est-il qu’un saucisson,
Bon pour le réfectoire,
Un objet transitoire,
Et privé de raison ?

Tudieu ! La belle mine !
Mais, plus je l’examine,
Plus il me fait rêver.
Et pour lui rendre hommage,
Je cherche quelque image,
Et ne puis la trouver.

C’est la masse d’Hercule…
Sinon un tubercule
Monstrueux, tout en chair,
Dont la forme phallique
Rendrait mélancolique
Un Abélard, mon cher !

Lorsque je me compare
A ce saucisson rare,
J’en ai comme un frisson,
Et je me désapprouve.
A côté je me trouve
Un bien petit garçon.

Que dis-je ?… Dieu me damne,
Si le… chose d’un âne
Ne me semble un joujou.
Et le sceptre que braque
Le prince de Lamsaque,
Un pur sifflet d’un sou !

Je me demande même,
En ma pudeur extrême,
Prompte à s’effaroucher,
Quelle feuille de vigne,
Tant il est gros et digne,
Le pourrait bien cacher ?

RAOUL PONCHON




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