14 sept. 2007

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LA FETE DU SOLEIL
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Camille Flammarion * organise la fête du soleil à chaque solstice d’été autour de la Tour Eiffel de 1904 à 1914…




La fête aura lieu sur la deuxième plate-forme de la Tour Eiffel.
Nos astronomes y passeront la nuit et salueront le Soleil à son lever, etc.




J’allai donc de mon pas rapide,
Interwiever, pour mon journal,
Flammarion, notre intrépide
Astronome national.

L’heure me semblait opportune.
C’était le soir. Je le trouvai
En train de farfouiller la Lune
De son télescope éprouvé.


Avec une grâce parfaite
Il m’accueillit : « Ah ! ah ! Fit-il,
Vous venez encor pour… la fête ?
Vous me trouvez bien puéril ?…

« C’est vous, laissez-moi vous le dire,
Qui n’êtes du tout sérieux.
En vérité je vous admire.
Et quoi ! Vous voilà furieux,

« Parce que, depuis des semaines,
Le soleil ne s’est pas montré !
Mais, malheureux énergumènes,
Doit-il donc luire à votre gré ?

« Vous autres, terriens, en masse,
Vous ne vous doutez pas que si
Le Soleil vous fait la grimace,
C’est pour les raisons que voici :

« Au temps heureux des premiers âges,
C’était un dieu des plus puissants,
Ayant ses pontifes, ses mages,
Dont il subodorait l’encens.

« Et, pour se le rendre propice,
Chaque matin, au point du jour,
On lui offrait des sacrifices
Avec des prières autour.

« Aujourd’hui, mufles que vous êtes,
Vous le traitez comme un hébreu.
Alors, il choisit ses planètes,
Et vous néglige quelque peu.


« Cette fête est donc ordonnée
Pour vous le rendre flambart,
Oui. Je veux qu’il ait sa journée,
A l’instar de Sarah Bernhard.

« Le vingt et un juin, dès l’aurore,
Au mitan de la Tour Eiffel,
Dès que nous le verrons éclore,
Nous nous écrierons : c’est Blondel !

« Et moi, coiffé d’un « pschent » énorme, *
Selon les rites coutumiers,
A la deuxième plate-forme
Je sacrifierai trois béliers.

« Puis je ferai, pour l’assistance,
Après quelques libations,
Une petite conférence,
Avec maintes projections.

« Revenus sur la terre ferme,
Un chœur de mille exécutants
Nous régalera dur et ferme.
D’une cantate de Rostand ;

« Enfin, pour corser le programme,
Nous irons dans un cabaret,
Songer au salut de notre âme,
En buvant quelque bon clairet. »

- Mais, pardon, lui dis-je, cher maître,
Qu’arrivera-t-il, dans le cas
Où, pour votre fête champêtre,
Le Soleil ne paraîtrait pas ?



- A la guerre comme à la guerre.
On s’en passerait, c’est certain.
Au surplus, nous ne risquons guère
En emportant notre « pépin ».



Raoul Ponchon
Muse au cabaret
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