13 sept. 2007

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JOUR DE VOTE
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Tandis que les bons citoyens
Déposaient, dimanche, dans l’urne
Leurs bulletins régaliens,
Je quittais, moi, ma sombre turne…


Non pour en faire autant. Les Dieux
M’en préservent comme des mouches !
Mais, le ciel étant radieux,
Pour prendre un bateau des plus mouches.

Voter ! Je m’en fiche, entre nous,
Comme de la prime culotte
Où j’ai mis mon premier genou –
Comme je disais à Lolotte.

Encore, si j’étais certain
Que ma voix eût quelque éloquence
Au dépouillement du scrutin,
Je marcherais en conséquence…

Mais le destin, toujours grinchu,
A moins que le hasard m’inspire,
Alors qu’il faudrait Barbanchu,
Me ferait voter pour Shakspeare.


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Aussi je laisse, qui mieux vaut,
Aux autres le soin de m’élire
Le gouvernement qu’il me faut,
Le député que je désire.

O Lolotte ! c’est bien pourquoi
Je fais fi de ces turlutaines,
Tout en attendant le bon roi
Qui change en vin l’eau des fontaines.

Je pris donc le mouche-bateau,
Citoyen des plus réfractaire,
Songeant au dénommé Watteau,
A l’embarquement pour Cythère.


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Car, mon Dieu, ceci se passait
Avec celle de mon flirtage,
Qui cache, à l’endroit du corset,
Deux candidats, sans ballottage.

Nous descendîmes vers Meudon
Je ne sais plus… Saint-Cloud ou Sèvres,
Moi, bercé par le doux fredon
Qui ne tarissait sur ses lèvres.

« Alors, me disait-elle, toi,
Plutôt qu’aller voter pour… Chose,
Tu préfères être avec moi ! »
Et je lui répondais : « Tu causes ! »

- Pourtant, si de par quelque loi,
Il te fallait voter quand même,
Pour qui voterais-tu ? – Pour toi !
- Dieu ! que t’es bête ! – Non, je t’aime. »

Tout à ces futiles propos,
Nous gagnâmes un coin champêtre,
Et prîmes un temps de repos
Sous l’épais feuillage d’un hêtre.

Là bientôt elle s’aperçut,
Voyez la belle découverte,
Qu’aussi bien dessous que dessus,
La feuille, en général, est verte.

Enfin, je ne sais plus à quoi
J’ai dépensé ce beau dimanche,
Songeant : puisqu’on vote pour moi,
Pas besoin que je me démanche.

Bien mieux. En rentrant à Paris,
Après ces minutes trop brèves,
En fait de député, j’appris
Que j’avais celui de mes rêves.



Raoul Ponchon


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