30 sept. 2007

.
.
.
LE CHEF DE SAINT MARTIN
. Monsieur Pierpont Morgan * a rendu à la France ce fameux reliquaire. *
(Journaux - 1911)


Mon Dieu ! je le veux croire :
Le geste est élégant,
Sans être péremptoire,
De ce Pierpont Morgan,
*

Qui consent à nous rendre
Le chef de saint Martin,
*
Qu’un filou vint lui vendre
Trois cent mille, un matin,

Sans qu’il nous en réclame
Le prix qu’il le paya.
Voilà d’une bonne âme !
De la mæstria !

Mais il a la fortune,
Et trois cent mille francs,
Pour lui, c’est une thune
Pour nous. Au demeurant,

Le seul fait nous importe
Que nous ne dîmes rien
Payer, en quelque sorte,
Pour ravoir notre bien.


*
* ..*


Or, d’après mainte enquerre
D’on ne sait quel jury,
Ce fameux reliquaire,
Pour l’instant à l’abri

Aux vitrines du Louvre,
Serait, parait-il, faux !
Du moins, on y découvre
Des manques, des défauts.

C’est bien là les oreilles
D’un luxe exubérant
Du vieux saint de Soudeilles,
*
Et son menton rentrant ;

Sa moustache follette
Et relevée aux coins,
Et son nez de belette,
Certes. Et, néanmoins,

Ce n’est pas là sa mitre,
Jadis un pur écrin.
Par les éclats de vitre
Et des cailloux du Rhin,

On remplaça les gemmes
Et les émaux en fleur
( Et par quels stratagèmes ! )
Au voleur ! Au voleur !

La mitre ainsi parée,
N’a donc rien de commun
Avec la seule vraie.
Je sais même quelqu'un

Qui, nettement, déclare,
En jurant par l’Hadès,
Que c’est là la tiare
De Saïtapharnès.


*
* ..*


Ainsi, ce reliquaire
Est toujours incomplet,
Il n’y a rien à faire ;
Prenons-le comme il est.

Quand le chef est passable,
C’est la mitre, vraiment,
Qu’on dit indésirable,
Et réciproquement.

On dirait, sur mon âme,
Le couteau de Janot,
Dont le manche et la lame,
Tour à tour, font défaut.


RAOUL PONCHON
le Journal
05 juin 1911
.
.

Aucun commentaire: