30 sept. 2007

.
.
.
PATAUD-LOGIE
.

Émile Pataud (1869-1935), né à Paris, doit abandonner ses études à 15 ans pour travailler à l'usine. Il s'engage dans la marine, d'où il ressort anti-militariste. Secrétaire du syndicat des ouvriers des industries électriques, il attira souvent l'attention sur de réels problèmes, au cours des années 1907,1908 et 1909. Le 7 mars 1907, en effet, les ouvriers électriciens de Paris s'étaient mis en grève et avaient plongé dans l'obscurité les quartiers de la capitale déjà électrifiés ; le président du Conseil, Clemenceau, avait dû menacer de les faire remplacer par des soldats du Génie. Un an plus tard, le 6 août 1908, Pataud avait déclenché une grève inopinée et les Parisiens avaient été privés de lumière pendant deux heures ; un artiste lyrique nommé Mansuelle fut ainsi dans l'impossibilité de se produire sur scène et il porta plainte contre Pataud, qui fut condamné à lui payer 8 francs de dommages et intérêts. L'année suivante, en mars 1909, Pataud, qui réclamait une augmentation de salaire pour les ouvriers électriciens, fut encore poursuivi pour avoir fait couper la lumière à l'hôtel Continental juste avant un grand banquet. Mais le 29 novembre de la même année, il fit aboutir ses revendications en menaçant de déclencher une grève immédiate au moment où le roi du Portugal, en visite en France, arrivait à l'Opéra. On le voit, le citoyen Pataud n'était pas un acteur négligeable sur la scène politique et ses activités posaient, en ce début du XIX° siècle, des questions qui se posent encore au début du XXIe.
En 1913 exclu de la CGT pour avoir agressé les rédacteurs de La Bataille syndicaliste. il travaille ensuite comme contremaître.




Ainsi donc, ce gars de première,
Ce Pataud jadis redouté,
Qui, sur notre Ville Lumière,
Versait des flots d’obscurité,

Renonce à la manière forte
Comme à la directe action
Pour ne plus vaincre, en quelque sorte,
Que par la persuasion.

Mais comme Paris, somme toute,
N’est qu’un ramassis d’idiots,
Il va, pour trouver qui l’écoute,
Chez ses frères provinciaux.

*
* .. *


Or, il paraît que la province,
Depuis l’île du roi Lutaud
*
Jusques à Perpignan, n’en pince
Pas tant cela pour Pataud.

Et, dès ses premières étapes,
En aucunes localités,
Il reçut déjà plus de tapes
Qu’il ne fit de civilités.

Certains édiles arbitraires
L’ont remisé tout aussitôt,
Joint que parfois aussi les frères
Le trouvèrent un peu… marteau,

De même aussi quelque peu tiède,
Sinon bourgeois, - un jaune, quoi,
Qui, laissant là son intermède,
Ferait mieux de se tenir coi.

En réalité, ce brave homme
N’était du tout à la hauteur ;
Il leur faisait l’effet tout comme
D’un syndicaliste amateur.

Pour moi, je crois, ou je me blouse,
Qu’il est plutôt de ces ténors,
D’autant pus hués à Toulouse
Qu’ils sont plus prisés dans le Nord.
.

*
* ..*


Quoi qu’il en soit, notre prophète
Va prononçant d’âpres discours
Qui lui valent force galette,
Encore qu’il parle à des sourds.

Voire, en son humeur poétique,
Il a caressé le projet
De se faire auteur dramatique,
A l’instar de notre Bourget.

Le théâtre est une tribune
Comme une autre. Il le sait fort bien.
Et l’on peut y faire fortune,
Alors même qu’on n’y dit rien.

Des sommes vous y sont comptées
Du matin au soir, et cela
Change bigrement les idées
Sociales. Oui, mais, voilà,

Il sera, pour peu qu’il insiste,
Chez Antoine ou Sarah Bernhardt,
Par la louve syndicaliste
Considéré comme un « renard ».

*
* .. *


Peu lui chaut. Si le sort l’arrête,
Dérange ses combinaisons,
Il reprendra donc sa charrette
De marchands de quatre saisons.

Voilà de la philosophie.
Pataud n’a pas l’entêtement
Ni la suffisance bouffie
Qu’on lui prête gratuitement.



Pour l’instant, il gagne sa vie
Comme il l’entend. Qui donc prétend
Le faire tourner en toupie ?
Ce serait vraiment épatant !

Il montera sur des estrades
Si cela lui chante, après tout.
Et que de si bons camarades
Ne sont pas contents, il s’en fout.


R.P


Aucun commentaire: