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Conte pour les jours maigres
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Je me rappelle une époque lointaine,
Une époque très très lointaine,
Très princesse lointaine,
- Peut-être bien du temps de la Samaritaine
Ou j’entrai dans un de ces bistros
Qui donnent à manger pour des prix pas très gros.
J’y mangeai donc . Quoi ? Je ne sais plus,
Tant de jours sont depuis révolus.
Pourtant je me souviens de ce détail béta
C’est d’avoir demandé des pruneaux ce jour-là.Et que la patronne elle-même
Me servit ce mets de carême
Et qu’elle me compta sept pruneaux, pas un fifre
De plus ou de moins. Pourquoi ce chiffre
Me frappa-t’il ? Je ne sais pas :
Toujours est-il qu’il me frappa .
Bah ! dis-je, c’est simple accidence,
C’est un petit bonheur, je pense :
Aujourd’hui, je n’en ai que sept,
Demain j’en aurais huit, qui sait ?
Peut-être même davantage,
Si ce n’est six, pour tout potage…
Le lendemain fut pareil,
J’eus sept pruneaux comme la veille,
Et voilà qui vous émerveille :
Pendant près de vingt ans de suite
Je n’eus jamais de pruneaux huit !
C’était son chiffre symbolique…
A cette femme, fatidique…
Ou bien, il y avait pour elle sept pruneaux
Comme il y a sept péchés capitaux…
Sept sages de la Grèce…
Sept merveilles du monde, la pauvresse !
Peut-être encore elle pensait
Que son sort tenait au nombre de pruneaux sept,
Redoutant un malheur s’elle le dépassait.
Hé ! hé !
Une fois un client me fit un gros émoi :
Etant venu manger des pruneaux près de moi,
Je faillis m’étrangler avecque ma serviette
En constatant sur son assiette,
Quant il eut fini, huit noyaux.
Ces huit noyaux semblaient indiquer huit pruneaux ?
« Je vois bien, monsieur, me plaignai-je,
Que la patronne vous protège
Qui vous accorde huit pruneaux…
- Non, qu’il me répondit, huit ce serait trop beau :
Sachez qu’un de mes sept possédait deux noyaux. »
Mais ce qui devait arriver arriva.
Un jour… Ah ! l’affreux jour que ce jour-là.
La patronne me servit huit pruneaux,
Littéralement huit pruneaux,
Je les comptai plus de cent fois
Je vous assure, sur mes doigts !…
Est-ce qu’elle devenait folle ?
Elle perdait la boussole.
Huit pruneaux dans une portion
Ca passait l’imagination.
Elle en eut mis six, encore passe…
Mais huit ! c’était vraiment cocasse,
Bien fait pour extraordinaire !
Enfin je payai mon dîner
Et m’en allais la mort dans l’âme
En songeant à la pauvre femme…
……………………………….
Le lendemain, quand je revins,
Encore tout ému, chez mon marchand de vins,
Je vis un placard sur la porte
Comme quoi la patronne était morte…
Appelez ça simple coïncidence,
Pour moi, je sais ce que j’en pense.
R.P
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