5 nov. 2009

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L’AUTRUCHE
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Pauvre misérable autruche,
Tu marques mal, comme on dit,
Et notre raison trébuche
Sur ton gabarit maudit.

Evidemment, la Nature,
Qui te sortit du néant,
Fit de la caricature,
On veut croire, - en te créant.

En toi, tout est excentrique.
Tes absurdes abatis
Portant ton corps de barrique ;
Tes ailerons trop petits ;

Ta tête plate et féroce
Comme celle d’un serpent,
Avec ton regard atroce,
Ton air, malgré tout pimpant ;

Ton cou d’un mètre, tes pattes
Longues comme des roseaux :
Qui sait ? Pour cueillir des dattes ?…
O girafe des oiseaux !



Tu es bête comme une oie,
Avec ça. Quand tu as peur
De devenir une proie
Pour le dénommé trappeur,

Tu caches ta tête chauve,
Ton train de derrière à l’air,
Et tu te crois saine et sauve !
Mince alors ! T’en as un flair !

Tes œufs ! Vraiment, tu te moques !
Il faudrait un Béni-bouf
Pour les manger à la coque.
Encore, il devrait dire : Qu’ouf !

C’est en vain que tu te piques
D’avoir un bon estomac.
Moi, je bouffe aussi des briques
Et des paquets de tabac…


*
* ...*


Mais surtout sotte volaille,
Ne va pas te prévaloir
De cette folle plumaille
Qu’avec tant de nonchaloir,

Tu portes comme une reine,
Sur ton vaste fondement.
Tu me ferais de la peine,
En en parlant seulement

On dirait une lambruche,
Un plumail, ou bien encor
La barbe de Barbemuche…
De Nabuchodonosor.



A quoi te servent ces plumes
Ridicules, franchement ?
Sont-elles là pour ton rhume,
Ou bien pour ton ornement ?…


Inutile fanfreluche,
Et bien encombrante aussi !
C’est pourquoi, stupide autruche,
Tu devrais dire : « Merci ! »

Au lieu que tu te consumes,
Quand on coupe - pour ton bien -
Ces disgracieuses plumes
Qui ne te servent à rien,

Et font mieux - je le proclame -
Après un bon coup de « fion »,
Sur le chapeau de Madame
Que sur ton pauvre croupion.



RAOUL PONCHON
le Journal
09 oct 1909
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