23 nov. 2009

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Je le croyais mort
( Air connu. )

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On connaît Jules Ferry*, figure emblématique, défenseur de l’école laïque ; on le connaît moins, politique opportuniste*, partisan zélé de l’expansion coloniale avec notamment le Tonkin, dossier qui lui sera fatal lors de sa seconde présidence du Conseil. Ayant obtenu des crédits nécessaires à la conquête du Tonkin, il provoque une extension du conflit à la Chine , ce qui provoqua sa chute le 30 mars 1885. Il connaît alors une vague d’impopularité en France.
En janvier 1893, date de cet écrit de Ponchon, il revient au premier plan en se portant candidat à la Présidence du Sénat ; il est élu au premier tour. Il ne peut exercer cette charge qu’une vingtaine de jours, puisqu’il meurt d’une crise cardiaque le 17 mars 1893.

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Feringhea va parler.
( les Thugs
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Bran, zut !
V’là qu’Ferry bouge,
Tout est rouge
Bran, zut !
Choléra et scorbut !

Moi qui le croyais mort !
Voilà qu’il vit encor
Et que l’organe
Qui sur sa gueule pend
Est, Dieu me damne !
Plus long que deux empans.

Zut, bran !
V’là qu’Ferry bouge,
Tout est rouge
Zut, bran !
V’là l’choléra qui m’prend.


Eh quoi, ce Tonkinois
Va relever la voix,
Nous faire paître
Son éloquence en bois,
Parler, le traîte,
Au nom de qui, de quoi ?

Bran, zut !
V’là qu’Ferry bouge
J’en suis rouge.
Bran, zut !
Choléra et scorbut !

Pendant quatre ans, sais-tu ?
Le bougre s’était tu ;
On pouvait croire
Qu’il avait assez
Fait pour l’histoire ?
Eh bien ! Non, pas assez.

Bran, zut !
V’là qu’il rebouge,
Tout est rouge.
Bran, zut !
M…. alors ! Zut et bran !





Variations sur le même sujet.
( Air non moins connu. )



Ne parle pas, jules, je t’en supplie,
Car nous trahir serait un grand pêché.
Rappelle-toi le chèque qui nous lie
Et le cadavre en notre âme caché.
Au nom du Christ et de notre bonne fortune,
De l’avenir qui fleurit sous nos pas,
Et si tu crois à la cause opportune,
Ne parle pas, Jules, ne parle pas.



O Tonkinois ! Nos destins sont les mêmes,
De Gambetta nous sommes héritiers.
N’a-t-il pas dit ces paroles suprêmes :
« Vous voilà ! Je ne meurs pas tout entier. »
Tu te souviens, du moins je le suppose,
Que quand Léon parlait, même tout bas,
C’était toujours pour dire quelque chose ;
Ne parle pas, Jules, ne parle pas.

Pendant un temps j’ai cru, moi bon apôtre,
Que nous pouvions vivre séparément,
Nous ne pouvons rien faire l’un sans l’autre,
Je le vois, mais aujourd’hui seulement.
Eh bien ! Alors, crois-moi, ma vieille branche,
Tu veux parler ? Ca n’est pas le moment.
Attends la semaine des quat’ dimanches,
Nous parlerons alors ensemblement.



Raoul Ponchon
le Courrier Français
08 janv. 1893
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