18 sept. 2007

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Nouvelle lettre à Ponchon
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En 1920, les Editions Fasquelles éditent
" La Muse au Cabaret ".
En tête de ce recueil, Raoul Ponchon remercie ses amis.


A
MES TRES CHERS AMIS
JEAN RICHEPIN
ET
MAURICE BOUCHOR
EN TEMOIGNAGE
DE MA PROFONDE AFFECTION
JE
DEDIE CES RIMES
FAMILIERES

R.P



Mais ce ne fut pas sans mal....


Que ton vers fût de ceux qui doivent être illustres,
Nous te l’avions prédit voilà plus de dix lustres,
Nous autres qui depuis toujours te connaissons
Et pour qui tu chantas tes premières chansons.
Mais tu ne voulais point croire à ces prophéties ;
Et, traitant toutes nos lanternes de vessies,
Tu les crevais, modeste et sans le moindre émoi,
D’un sincère et bourru : « Vous foutez pas de moi ! »
Puis tu continuais à rimer tes Gazettes,
Avec ta Muse, qui te faisait des risettes.
Au bout d’un demi-siècle, enfin elle paraît…
Qui ? Ta Muse, parbleu ! La Muse au cabaret.
Car on te force à la mener chez le libraire.
Et tu le vois bien, na, vieux cabochard, vieux frère,
Que l’on avait raison de te prédire… « Mais… »
Et tu prends encor l’air bougon, plus que jamais.
Tu prétends qu’on te fait trop belle la partie…
Eh ! bien, pour te punir de cette modestie
Excessive, voici ton châtiment, Ponchon !
Quoique ton nom évoque, en rimant à bouchon,
Le Vin, l’Ordre du Vin dont tu es le Grand-Maître,
Sais-tu l’endroit choisi, ton livre, pour le mettre ,
Non ! Non ! Non ! Pas la cave où dorment les bons vins ;
Mais la bibliothèque, au coin des écrivains
Les plus français, de la gloire la plus certaine,
Tels que toi, mon Ponchon, et toi, mon La Fontaine !


Jean Richepin
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