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UN BIENFAIT N’EST JAMAIS PERDU
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CONTE
En dépit d’un soleil torride
D’Afrique, en des vallons fleuris,
Un jeune officier, intrépide,
Allait à la chasse aux perdrix.
Comme elles étaient fort nombreuses,
Il en tuait à chaque coup,
C’était donc des heures heureuses
Qu’il avait là… quand, tout à coup,
Un lion sortit de la brousse.
Vous voyez d’ici son émoi,
Je peux même dire sa frousse.
Il songea : c’en est fait de moi !
Ah ! ce fut une chaude alarme.
- Mettez-vous à sa place aussi -
Il en laissa tomber son arme,
Et resta sur place transi.
Il se croyait mort ou tout comme,
Plongé dans l’éternelle nuit.
Or, avec des yeux de brave homme,
Le lion s’avança vers lui,
Peureux, d’une allure indécise…
De temps en temps il s’arrêtait.
Quelle ne fut pas sa surprise
De voir que ce lion boitait.
« Ah ! je suis sauvé ! Je devine :
Il est blessé, je ne crains rien. »
L’autre à hauteur de sa poitrine
Leva sa patte comme un chien.
Il était blessé sans conteste,
Et par une épine, en effet,
Qu’il lui retira d’un seul geste,
Dont le lion fut stupéfait.
Alors secouant sa crinière :
- « Merci mon seigneur. Mais dis-moi
Si je puis en quelque manière,
Faire quelque chose pour toi ».
- « Oh ! fit l’autre - mon camarade,
Tu es gentil, mais vraiment…
Tu vois les galons de mon grade,
Je suis un simple lieutenant,
« Et je frise la quarantaine…
Je n’attends rien d’autre du sort
Que d’être nommé capitaine,
Le jour où le mien sera mort ;
« Et comme il se porte à merveille,
Qu’il est jeune, tu peux penser
Que je ne suis pas à la veille,
A coup sûr, de le remplacer. »
- « Qui sait , dit notre excellent fauve
A quoi bon perdre tout espoir.
Tu m’as sauvé, qu’Allah te sauve !
En attendant laisse pleuvoir ! »
A quelque temps de là, notre homme
Chassait en même région,
Quand, à sa grande stupeur en somme,
Son camarade le lion
L’aborda de façon soudaine,
Et lui dit : « Te voilà sauvé… »
- « Comment ?… - « Dame oui, ton capitaine ?
Ben, il est mort, je l’ai bouffé. »
R.P
le Journal - 30 mai 1910
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