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De la musique avant toute chose
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L’invention n’est déjà point tant folle.
Il serait affligeant
Que l’Eglise ait, seule, le monopole
De marier les gens,
En musique ! Et, qui ne m’étonne guère,
Non plus que mon voisin,
C’est que l’idée en a germé, ma chère !
Au pays toulousain,
Dont on connaît l’âpre mélomanie.
D’ailleurs, le conjugo
Est avant tout affaire d’harmonie.
Disons-le tout de go.
Pour moi, que si jamais je me marie,
- Tout arrive aujourd’hui -
Ce ne sera jamais qu’en ta mairie,
Toulouse, ô doux pays !
*
* *
Quoi qu’il en soit de ces braves édiles
J’admire le dessein.
O mariés ! Célébrez vos idylles
Par un peu de bousin. *
« De la musique avant toute chose »,
Nous a dit Lélian. *
Ce que bafouille un maire dans sa glose
Est insignifiant.
Ah ! si ce jeu devenait à la mode !
Devant qu’ils soient exclus,
On chanterait les articles du Code,
On ne les lirait plus.
De sorte que cet absurde grimoire,
Digne des temps passés,
Se graverait bien mieux dans la mémoire
De nos intéressés.
Encor qu’oiseux soient le maire et le prêtre
Pour des gens bien épris,
Mais quoi ! Par eux faut passer, à moins d’être
De robustes esprits.
*
* *
Enfin, passons. Le couple à la mairie
Arrive, et tout d’abord
Une musique adéquate et nourrie
Le jette en un transport.
En admettant cependant qu’il hésite,
- Car il faut tout prévoir -
Il se pourra que tel air qui l’excite,
Le ramène au devoir !
J’estime alors qu’un certain tact s’impose
Pour le choix des morceaux.
Je m’en rapporte aux maires pour la chose,
Qui ne sont point trop sots.
Selon l’état social, la fortune
Et l’âge des conjoints…
Ils choisiront la musique opportune.
C’est le premier des points.
Ils y pourront même quelque ironie,
Si le cœur leur en dit,
Tout ça dépend de leur propre génie,
Et je leur fais crédit.
Ainsi voilà - mettons - un militaire ?
Qu’est-ce qu’on lui jouera ?
On lui jouera Malborough s’en va-t’en guerre ! *
Et puis Ca ira, *
Si le conjoint n’est qu’un simple anarchiste,
La Marseillaise encor…
De même aussi l’heureux capitaliste
Aura droit au Veau d’Or. *
Pour un muet à la langue abolie,
- Ca n’est pas compliqué -
« Ne parle pas, Rose, je t ‘en supplie… » *
Parait tout indiqué.
Ainsi de suite… Un couple est-il maboule ?
Je trouverais plaisant
Qu’on lui jouât le fameux : « Viens Poupoule », *
C’est plus que suffisant ?
Arrêtons-nous, la matière est trop riche.
Mariés et témoins,
Finalement danseront la « Mattchiche »*
Ou la « Craquette » au moins !
R.P
le Journal - 02 04 1906
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