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LE NEGRE NE PEUT PAS CONTINUER
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que les capitalistes américains.
Journaux
Journaux
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J’étais, malgré la grève, au café, l’antre soir,
Quand près de moi soudain un homme vint s’asseoir,
En proie à la fureur, la figure mauvaise.
Je vis, au bout d’un temps, qu’il eut été bien aise
De causer avec moi. Je le laissai venir,
Comme on dit. Tout à coup, n’y pouvant plus tenir :
« Ah, ! Monsieur, - me dit-il, - ce gueux, ce rien qui vaille,
Figurez-vous, jadis n’avait ni sou ni maille.
Je l’ai vu dans New-York faire mille métiers,
Vivant d’expédients… Il cirait volontiers
Les bottes. Il ouvrait les portières… que sais-je ?
Et par les temps de pluie et par les temps de neige
Il pataugeait, pieds nus, dedans l’ordure… Enfin,
Gagnant juste de quoi ne pas mourir de faim,
Il vivait. Un beau jour, il se prit d’un beau zèle
Pour la bécane. On dit qu’à ce sport il excelle,
Qu’il est un recordman. Tant, qu’hier sans le sou,
Aujourd’hui le voilà qui gagne un argent fou.
Et son orgueil, monsieur, ne connaît plus de bornes,
Depuis qu’il a saisit son cycle par les cornes.
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J’étais, malgré la grève, au café, l’antre soir,
Quand près de moi soudain un homme vint s’asseoir,
En proie à la fureur, la figure mauvaise.
Je vis, au bout d’un temps, qu’il eut été bien aise
De causer avec moi. Je le laissai venir,
Comme on dit. Tout à coup, n’y pouvant plus tenir :
« Ah, ! Monsieur, - me dit-il, - ce gueux, ce rien qui vaille,
Figurez-vous, jadis n’avait ni sou ni maille.
Je l’ai vu dans New-York faire mille métiers,
Vivant d’expédients… Il cirait volontiers
Les bottes. Il ouvrait les portières… que sais-je ?
Et par les temps de pluie et par les temps de neige
Il pataugeait, pieds nus, dedans l’ordure… Enfin,
Gagnant juste de quoi ne pas mourir de faim,
Il vivait. Un beau jour, il se prit d’un beau zèle
Pour la bécane. On dit qu’à ce sport il excelle,
Qu’il est un recordman. Tant, qu’hier sans le sou,
Aujourd’hui le voilà qui gagne un argent fou.
Et son orgueil, monsieur, ne connaît plus de bornes,
Depuis qu’il a saisit son cycle par les cornes.
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Il vient, ces jours derniers, d’arriver à Paris,
Afin d’y disputer je ne sais plus quel prix.
Non mais… il faut le voir ! Un véritable singe,
Qui, comme vous et moi, se pique de beau linge,
En escarpins vernis, en paletot mastic,
Le chapeau sur l’oreille, et brandissant un stick.
Il aime, chaque soir, se produire aux lumières.
Avec le Tout-Paris il assiste aux premières.
Il court les magasins, le jour. C’est inouï !…
Il promène sa femme, aussi laide que lui,
Chez les grands joailliers chez les bonnes faiseuses,
Lui payant des chiffons et des robes mousseuses,
Ou bien de lourds bijoux d’un prix exorbitant,
Que d’ailleurs, je dois dire, il solde argent comptant.
Mon Dieu, je n’y vois pas de mal. C’est son affaire,
Et cela m’est égal. Mais ce qui m’exaspère,
Ce que je ne puis pas tolérer, non, ma foi,
C’est qu’il prétend descendre au même hôtel que moi :
Dans la même maison que ma femme et ma fille;
Passer cent fois par jour par le même escalier,
Et peut-être habiter sur le même palier !
Vous ne voudriez pas non plus qu’à table d’hôte
Nous prenions nos repas avec lui, côte à côte…
Si donc dans mon hôtel, il reste encore un jour,
Je n’y veux prolonger plus avant mon séjour.
Je l’ai dis au patron : épargnez-moi, de grâce,
Le contact de ce gueux qui n’est pas de ma race. »
En me disant cela, mon interlocuteur
Guettait sur mon visage un signe approbateur.
« Mais, de qui parlez-vous - lui dis-je - en fin de compte ?
- Oui, me répondit-il - monsieur, c’est une honte !…
Je parle de ce nègre affreux Major Taylor.
- Et qui donc êtes-vous vous-même ? - Un roi de l’or !
J’ai douze ou treize cents millions sur la planche,
Que j’ai gagnés avec mes conserves de porc.
Mais surtout, avant tout je suis de race blanche. »
RAOUL PONCHON
1907
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A propos du titre de la gazette : passant en revue les élèves de l’école militaire de Saint-Cyr, Mac-Mahon Président de la République informé que le soldat le plus brillant de la promotion était noir de peau. lui demanda : « Ah c’est vous le nègre ? », et à court de mots ajouta : « Très bien, continuez ! ».
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