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Le Pochard du pont Alexandre*
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(Air du Pochard du Pont-Neuf)
Tu peux dir’ que t’en a un’ veine
De m’rencontrer juste un sam’di.
Je viens à c’t’ heure de toucher ma s’maine,
J’te paye un litre, ça t’va-t-il ?
T’as la figur’ tout’ retournée,
Loulou *, t’as perdu quéq’parent ?
Ou si t’es rendu d’ta journée ?
Lâche donc ton trône, eh ! feignant !
Mais t’as pas l’air de bien me r’mettre
C’est moi, c’est toi, y a pas d’erreur.
J’ai pourtant pas grandi d’un mètre,
Malgré que tu fass’ton emp’reur ?
Tu sais, un homme en vaut un autre.
T’étais moins fier auparavant.
Tant pis pour toi…Tiens, à la nôtre.
Lâche donc ton trône, eh ! feignant !
Te rappell’-tu la ru’Racine
Quand nous faisions tous deux not’droit ?
Moi, j’ai lâché comm un’méd’cine.
Pour le jaspin j’suis pas adroit.
J’m’ai donc mis à chercher d’l’ouvrage,
Car j’aim’mieux vivre en travaillant.
Fais comm’moi, si t’as du courage :
Lâche donc ton trône, eh ! feignant !
T’étais jadis un pur, un rouge :
Si jamais j’arrive au pouvoir,
Disais-tu, m…, faudra qu’ça bouge !
Les réformes, j’les f’rai pleuvoir.
Alors nous aut’qu’est imbécile
Jusqu’au jour que c’est autrement,
Nous t’avons cru un homme habile :
Lâche donc ton trône, eh ! feignant !
T’as été député, ministre,
Te v’là Président ! qué chopin !
Mais t’es plus roug’, t’es bleu, t’es bistre…
J’crois bien qu’tu nous pos’un lapin.
T’as beau m’regarder comme un’bique,
Ah ça, voyons, mon Président,
Est-c’que tu t’fous d’la République ?
Lâche donc ton trône, eh ! feignant !
Non, vrai, tu sais, t’es pas mon homme ;
T’es trop petit et puis trop gras,
Trop confitur’, trop sirop d’gomme,
Trop miel, trop sucre, trop nougat,
Je n’sais pas avec qui t’es d’mèche,
Mais i’ sont louch’ tes boniments.
Ta conscience a pas l’air très fraîche :
Lâche donc ton trône, eh ! feignant !
J’m’imagin’, vois-tu, qu’ta fortune
Tombera bientôt dans un puits.
Déjà, mon pauvre veau de lune,
Tu tir’ les marrons pour Dupuy. *
Ne vois-tu pas son pif, ma crotte,
Qui renifle ton fourniment.
Non vrai ? tu m’fais aller aux p’lottes.
Lâche donc ton trône, eh ! feignant !
Réponds-moi donc, t’es comme un’ moule.
Toi qu’étais un si beau parleur…
( Loubet va pour payer )
C’est moi qui régal’, tu m’désoûles.
Je n’veux pas d’ton argent d’malheur…
Allons, à ta santé, mon prince…
Et puis, à c’t’été, pas avant.
Si tu veux que j’te serre la pince,
Lâche-moi ton trône, eh ! feignant !
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