29 sept. 2007

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L’ARGENT
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Les plaisirs étaient à bon marché avant que l’or fût cher.
( Proverbe chinois )



Toi qui te répands par la Ville,
Sur les hauteurs de Belleville
Ou dans le faubourg Saint-Germain,
Soit à Montrouge ou Ménilmonte,
Va, tourne, vire, descends, monte,
Bref, suis n’importe quel chemin ;

Eternise-toi dans les rues,
En rêvant et bayant aux grues,
Ou marche d’un pas diligent,
Un mot sans cesse à ton oreille
Bourdonnera comme une abeille,
Et ce mot, c’est le mot : argent.

Argent ! C’est le fond de la langue,
C’est la gemme de cette gangue,
C’est le roi des mots florissants ;
Argent ! C’est l’éternel vocable !
C’est aussi l’invisible câble
Qui relie entre eux les passants.

C’est comme le bruit de la ville
Planant sur la foule servile…
Et tu rencontres à Paris
Un temple grec dénommé Bourse
Où l’on dit ce mot… à la course,
C’est à confondre les esprits.



Argent ! Argent ! Argent ! Ecoute…
Le mot pleut sur toi goutte à goutte,
Et tu pourrais n’écouter pas,
Et te calfater chaque pore
Qu’il te pénétrerait encore
Comme une vrille, à chaque pas.

En art, amour ou politique
Le mot sur lequel on s’explique
C’est tout d’abord le mot argent ;
C’est notre mot, est-il le vôtre ?
Car en toute chose, dit l’autre,
Il faut songer au plus urgent.

Et ça n’est pas, tu peux m’en croire
Ceux-là qui n’ont pas de mangeoire,
Les élus de la pauvreté
Qui disent ce mot d’excellence
Avec le plus d’impatience,
Mais les riches, en vérité.

De l’argent qui dort, pour le riche,
C’est comme les terrains en friche,
Il en parle, c’est par devoir.
Cependant que le pauvre diable
Parle de façon misérable
De celui qu’il ne peut avoir.

Ainsi, qu’il soit riche ou poète,
Cent fois par jour chacun répète
Ce vocable absurde, exigeant,
Car il paraît que l’existence
N’est pas d’un intérêt intense
Si l’on a ce fameux argent.

N’espère pas, pauvre imbécile,
Qu’une église t’offre un asile
Contre ce mot argent, ah ! bien !…
C’est le premier mot qui t’y guette,
Le curé d’abord fait sa quête :
Tu ne peux prier Dieu pour rien.


Mais laissons là cette industrie.
Tiens, entrons à la brasserie…
Voilà bien des gens assemblés :
Eh bien, mon cher, je te parie
Que l’âme de leur causerie
C’est le même moi ; entends-les.


-Vous ne savez pas la nouvelle ?
Machin s’est brûlé la cervelle.
- A cause ? - Il n’avait plus d’argent.
- Tu sais bien, le canard d’Emile ?…
Il tire dans les trente mille.
- Allons donc ! et… d’où vient l’argent ?


T’as-t’on dit que X … se marie ?
- Comment, vraiment… à la mairie ?
Et… a t’elle beaucoup d’argent ?
- Un tel ? Pas d’argent, rien à faire ;
Mais quant à la mienne, d’affaire,
On n’y peut gagner de l’argent…

…………………………………

Te le disais-je ? Ca dégoûte.
Allons nous-en, finis la goutte.
( Ils partent sans payer, le garçon les rappelle.)
Hein ! Quoi ?… tu parles donc d’argent
Aussi, toi ? Nom de Dieu de peste…
Voilà vingt ronds, garde le reste.
O sale monde, sales gens.



R.P


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