29 sept. 2007

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LA DERNIERE AVENTURE DE SHERLOCK
(CONTE)
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Or Dieu, selon son habitude,
Parcourait les rangs des élus
Par le dernier bateau venus
Au séjour de béatitude,
Lorsque tout à coup son regard
Tomba sur un certain lascar
Dont l’œil inquiétait la foule.
Et vous eussiez dit d’un renard
Qui veut s’appuyer une poule.
C’était ce vieux Sherlock Holmès,
Impénétrable comme Hermès.

« Tiens ! c’est Sherlock ! dit Dieu le père.
Et pourquoi, de cet air sévère,
Regardes-tu tout un chacun ?
Est-ce que tu cherches quelqu’un ? »


« Non, non. Je ne cherche personne.
Je m’amuse à dévisager
Ces gens, qui me sont étrangers.
Et, tout d’abord, ce qui m’étonne,
C’est de voir ici rassemblé
Ce monde quelque peu mêlé. »

« Ca c’est de la faute à saint Pierre.
Il n’est plus guère à la hauteur
De sa fonction coutumière.
Mais quoi ! c’est un vieux serviteur ;
Ensuite, il est trop bon. De sorte
Qu’il ouvre quelquefois la porte,
Je te l’accorde, à des seigneurs
Qui seraient beaucoup mieux ailleurs…
Mais ils sont ici, qu’ils y restent.
Tant pis si les autres protestent.


« Tu ne cherches personne ici,
Disais-tu donc. Eh bien, moi si.
Depuis déjà pas mal d’années,
Je veux revoir le père Adam
Et je ne puis. Et cependant,
Comme tu sais, je l’ai vu naître.
Que dis-je, vu ?… je l’ai créé
De toutes pièces et doué
De mainte qualité champêtre.
Et donc, parmi tous ces élus,
Qui sont des milliards et plus,
Je ne saurai le reconnaître.
Autant chercher ( tu m’es témoin )
Une aiguille en un tas de foin.
Et c’est cela qui me tracasse.
Or, toi que je sais perspicace
Et merveilleusement têtu,
Tâche à me le trouver. Si tu
Me rends ce signalé service,
Je te fais chef de ma police.
Prends ton temps, d’ailleurs. Aussi bien
Nous avons, ce qui n’est pas rien,
Devant nous l’éternité toute. »

« L’éternité ! dit l’autre. Ecoute :
C’est deux ou trois jours qu’il me faut
Ou mon flair serait en défaut. »


Là-dessus, il se mit en route.
Or, Sherlock, dès le lendemain,
Revenait, tenant par la main
Un être assurément quelconque,
Et qui ressemblait à quiconque.
« Tiens, dit-il à Dieu, le voilà
Ton père Adam.
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Comment cela ?
Qu’est-ce qui me le prouve, en somme ? »
Fit le Seigneur, des plus surpris.

« Parbleu ! c’est qu’il est le seul homme,
Ici, qui n’ait pas de nombril. »


RAOUL PONCHOLMES
le Journal
1910
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