29 sept. 2007

.
.
Le Diable
.

L’autre nuit dans mon rêve,
Je crus voir de mes yeux
Sur une étrange grève
Un être merveilleux.

Tout son corps de lumière
Et ses yeux de ciel bleu
Et toute sa manière
Etaient ceux-là d’un Dieu.

Sa beauté plus qu’énorme
Méritait tout pavois.
Et je compris la Forme
Pour la première fois.

Deux ailes purpurines
Ruisselaient sur son dos,
Mais ses lèvres chagrines
Semblaient faire dodo.



- « O toi, fils du Prodige,
Toi de clarté vêtu,
Dis-moi ton nom, lui dis-je,
Et de quel ciel es-tu ? »

- « Je suis le Diable. » - « Voire,
Tu veux rire, bien sûr.
Tu te fous de ma poire,
Le Diable est plus obscur.

« Le Diable est un grand maigre,
Le Diable est noir encor
Comme un dedans de nègre,
Et toi, tu es en or.

« Le Diable en quelque sorte,
Est laid, et pas qu’un peu.
Toi, le Diable m’emporte,
Tu es beau comme un dieu !

« Ainsi qu’une sorcière
Le Diable est mal fichu ;
Il a queue au derrière
Avec le pied fourchu.


« Je le connais, peut-être…
C’est lui mon chérubin ;
Il est mon dieu, mon maître,
Trois fois hélas ! Enfin,

« Je l’admets en principe :
Tu l’es. Alors, pourquoi
Fait-on de toi le type
De la laideur ? Dis-moi

« D’où vient que l’on te peigne
Sous d’aussi vilain traits,
Toi que la grâce imprègne,
Toi qui es rose et frais ? »

- N’en doute pas, bonhomme,
C’est bien moi que voici,
Le serpent de la pomme,
Et le maudit. Et, si

« Ton exécrable race
Me va représentant
Avec cette disgrâce,
Et d’aspect rebutant,


« C’est que, pour me distraire,
J’ai fait chasser jadis
Ses premiers père et mère
Du divin Paradis. »


RAOUL PONCHON







Aucun commentaire: