29 sept. 2007

.
.
PEINTRES CUBISTES
.

O judicieux critique
Envoyé par ton journal
Pour lui servir de fanal
Dans cette sombre boutique,
Eclaire-moi donc aussi.
Je me mets à ta merci.

Pour moi, qui suis un profane,
Tout m’y semble abscons, abstrait ;
Nul tableau ne me parait
Un tant soit peu diaphane,
Ou, plus simplement, direct
Pour mon fumeux intellect.

Si parfois je crois comprendre,
D’après les titres inscrits,
C’est que je n’ai rien compris,
C’est bien facile à comprendre :
Je prends pour une Vénus
Ce qui n’est qu’un autobus…



*
* *


Sont-ce là des futuristes ?
Du tout. Leur art insensé
N’est que du futur passé.
L’avenir est aux « cubistes ».
De même l’astre a pâli
Du maître Boronali.
*

Donc, d’après la neuve école
Des cubistes ou cubeux,
Les hommes, les fleurs, les bœufs,
L’aéroplane qui vole…
Ne sont que des composés
De cubes superposés !

Ils se moquent d’un modèle
Autant que d’un rat crevé.
Parlez-leur d’un bon pavé.
Tout le reste est bagatelle.
Veulent-ils peindre un trottin,
Ils font poser un Bottin.


C’est pour eux tout bénéfice.
Mais n’importe quel portrait
De leur façon, on dirait
Une tour de Saint-Sulpice ;
Un maçon, un charpentier,
Seuls, jugeraient du métier.

Mais, à quoi bon qu’on insiste ?
Disons sans plus, tout de go,
Ainsi qu’aurait dit Hugo ;
Dans cubiste, il y a biste ;
Encor crois-je fermement
Que biste est un agrément.

Je craindrais pour mes méninges
Si j’insistais plus avant
Sur ces cubeux décevants,
Et je vais voir si les singes
( Comme ils me l’ont assuré )
Ont le derrière carré.

RAOUL PONCHON
1911


Aucun commentaire: