29 sept. 2007

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LE COSTUME
DES CROQUE-MORTS


Pour un frac, c’est bien du fracas,
O croque-morts trop délicats !
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Pour un chapeau que de bagarres !
Etes-vous donc devenus fous ?
Qu’est-ce que va dire de vous,
Notre hôte, le roi des Bulgares ?…

Il est clair que votre chapeau
Actuellement n’est pas beau,
Je ne lui fais pas de réclame ;
Mais je puis bien dire de lui
Qu’il n’est guère plus inouï
Que les galurins de ces dames.

Enfin dîtes-nous tout à trac
Par quoi vous remplacez ce frac
A coup sûr immensément morne ?
Et ce chapeau comment est-il ?
Est-il en paille du Brésil ?
Et faut-il qu’une plume l’orne ?

Le voulez-vous carré, pointu ?
Ou, tel celui de l’Institut
D’Arlequin, de Polichinelle ?
Ou si vous le rêvez encor
En feutre mou, rehaussé d’or,
Avec un soupçon de dentelle ?


Qu’est-ce que ça peut faire aux morts,
Je vous demande, ô croque-morts,
Que vous portiez ce décalitre ?
Cependant mon opinion
Est que sur cette question
Ils auraient bien voix au chapitre.

Quant aux vivants, à leur avis,
Sont très suffisants vos habits,
Pour vos besognes de ténèbres.
Les obsèques de leurs parents,
De leurs amis, petits ou grands,
En seraient-elles moins funèbres,

Si vous étiez faits de clarté ?
Maintenant, d’un autre côté,
Si c’est pure coquetterie
De votre part, vous pensez bien
Que je n’ai plus à dire rien
Sinon : que le Ciel vous sourie !

Et j’ajoute, messieurs, au cas
Où, dans cet étrange altercas,
Vous n’obteniez pas gain de cause,
Devant que je meure, je veux,
Sans déposséder mes neveux,
Vous laisser à vous quelque chose,


Par un bel et bon testament,
Aux fins qu’à mon enterrement,
Laissant là vos habits moroses,
Vous portiez gaîment mon cercueil.
Quant à votre chapeau de deuil,
Il sera de lis et de roses.

Vous verrez ce que vous dira
Lépine, et ce qui s’ensuivra…
Peut-être rien. Il se peut même
Que mon cortège tombe à pic…
Ne puis-je pas pousser mon couic
Suprême, un jour de Mi-Carême ?



R.P


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