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AMOUR ,
TAMBOUR

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L’Académie, dans sa dernière séance, s’est occupée du mot brûlant « Amour ».
Clarécie (Temps.SEPT.)

Ce fameux Dictionnaire
Que l’on dit stationnaire
Faillit pourtant faire un pas
Ces jours-ci, qu’il ne fit pas.

…faîtement : les sieurs Quarante,
Au nombre environ de trente,
Passèrent au mot « Amour »,
Mot brûlant - dit Clarécie -
Qui allume la vessie.
Ma foi c’était bien le tour
De ce mot brûlant : Amour.
Je faisais l’amour, sans doute,
Mais sans savoir, somme toute,
En quoi cela consistait,
Ce que proprement c’était
Que cet amour, pauvre poire.
O mon cœur ! Tu pouvais croire
Que tu serais désormais
Fixé par ces bonhomets
Sur le sens irrévocable
De ce chaleureux vocable…

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Eh bien non, jeunes et vieux
- Si tant est que ces roupieux
Ne sont pas tous du même âge
C’est dire… du moyen âge -
Se passèrent le crachoir.
Pendant cinq heures, je gage,
Sans qu’aucun d’eux laissa choir
La moindre chienne de phrase
Indiquant qu’il comprenait
Le mot dont il retournait,
Ou que Jupiter m’écrase !
Les murs eux-mêmes, les murs
Flageolaient sur leurs fémurs,
N’en croyant pas leurs esgourdes ;
Et cependant, nom de Dieu !
Vous savez si dans ce lieu
On a dit de sombres bourdes.
Bornier, notre fin matois,
Malgré sa gueule de bois,
Disait : « Ce qu’amour on nomme
Est un appétit chez l’homme
Qui possède un estomac,
Mais ni plus ni moins, en somme,
Que le vin et le tabac. »
Et Bourget : « Vous êtes ivre,
O Bornier ! Lisez mon livre
Sur l’amour moderne, et vous
En saurez autant que nous… »


Loti, d’une voix plaintive :
« Demandez à mon frère Yve :
Le bougre sur le sujet
En sait plus long que Bourget… »
Perraud, autre vieille veuve,
Bêlait : « L’amour c’est un fleuve…
La preuve que c’est un fleuve
C’est que les marins l’ont vu… »
Bertrand voulait que ce fût
Une formule chimique !
O séance académique
Laxative, s’il en fut !…
Après cinq heures mortelles
De crachoir et de crachat,
Ces vieilles sempiternelles
Donnèrent leur langue au chat
Et ce fut ce cher Lemaître
Qui leur proposa de mettre
A côté du mot Amour :
« Voir, plus loin, le mot Tambour. »

RAOUL PONCHON

le Courrier Français

01 nov. 1898

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