29 sept. 2007

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LE PENSEUR DE RODIN
PENSE-T-IL ?
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S’il pense, il ne pense guère,
Dit la critique vulgaire
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Aux jugements hasardeux,
Qui, selon toute apparence,
Elle-même, en l’occurrence,
Ne pense qu’un jour sur deux.

Rien n’est ainsi ridicule
Que de voir cet Hercule
Aux muscles si bien nourris,
Autre chose qu’une brute
Du championnat de lutte
Au Casino de Paris.

O grands penseurs que vous êtes,
M’est avis, jeunes esthètes,
Que vous allez un peu loin.
Avant votre âpre satire,
Ne pourriez-vous pas nous dire,
Pour nous en boucher un coin,

Comment, de quelle manière
Se comporte ce statuaire,
Le Penseur que vous rêvez ?
Dites-nous son habitude,
Son geste, son attitude,
Tels que vous les concevez.

Doit-il être hydrocéphale ?
Faut-il que son front s’affale,
Comme un concombre trop mûr,
Sur un torse sans plastique,
Malingreux et rachitique ?
On peut épiloguer sur…


Va-t-il se ronger le crâne,
Tandis que son esprit plane ?
Ou, d’un mouvement nerveux,
Les yeux perdus dans l’espace,
Convient-il mieux qu’il se passe
Une main dans les cheveux ?…

Qui qu’il en soit, ô critiques !
Vous êtes bien sarcastiques
Pour ce Penseur Rodinois
Quand vous laissez, dans vos squares,
Un tas de navets notoires,
De monument iroquois.

Il est un certain Shakespeare
Quelque part… hideux et pire,
Et je ne sais quel Hugo,
Qui pourrait aussi bien être
Le portrait de mon ancêtre
Ou de l’amiral Togo.

Voilà des penseurs, sans doute ?
Tant pis pour eux. Somme toute,
J’aimerais mieux voir soudain,
Dans mon jardin, sur mon arbre,
En fait de penseur en marbre,
Celui de notre Rodin.

S’il n’a pas l’esprit véloce,
Il a l’esprit d’un colosse.
Et c’est ainsi qu’il me plaît.
S’il ne fait pas grand’ dépense
De ses méninges, il pense,
Comme un colosse qu’il est.


Il pense. N’en doutez mie,
Messieurs de l’Académie !
- Que vous ne vous y trompiez -
On connaît de ces statues
D’art souverain revêtues
Qui pensent avec leurs pieds !

C’est, dans cette circonstance
A ce titre de « Penseur ».
Ce Penseur peut-être encore,
Que m’importe ?… Pythagore ?…
Ou le portrait de ma sœur !


R.P
le Journal - 13 sept. 1905
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