12 juin 2009

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LA FIN DU MONDE
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La fin du monde est pour cette semaine :
Vendredi, au plus tard.

(Gazettes du jour)
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Les astrologues à la ronde,
Ceux du nord et ceux du midi
Nous prédisent la fin du monde
Pour pas plus tard que vendredi.

Et, mes amis n’allez pas croire
Au moins, que ces savants messieurs
Veulent se payer notre poire ;
Ils ont lu cela dans les cieux.
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Fions-nous à leur témoignage
Ils ont des tuyaux, dieu merci,
Vous me direz qu’au Moyen-Age
Ils croyaient en avoir aussi…

Et pourtant… Bah ! Le Moyen-Age
Ne savait pas ce qu’il disait ;
Aujourd’hui le savant plus sage
Sait davantage ce qu’il sait.

Or, il paraît qu’on voit des signes
Effroyables, en ce moment,
Au ciel ; les planètes malignes
S’y comportent incongrûment.

Le Zodiaque se détraque ;
Nostradamus-Flammarion
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Lui-même en devient tout patraque,
Voire, il en perd son Orion,

Le Soleil apparaît sans taches,
Et la lune qui danse autour
A laissé pousser ses moustaches.
- Par ma fine, c’est bien son tour -

Que dirai-je de la grande Ourse ?
Est-ce qu’elle est d’accord encor
Avec sa sœur la petite Ourse ?
- Non, elles ne sont pas d’accord…



Que signifient ces phénomènes
Célestes qui troublent ainsi
Nos pauvres cervelles humaines ?
Sinon la fin de tout ceci,

La fin de Tout. Les temps sont proches,
- Je vous le dis en vérité -
Je les vois les mains dans leurs poches,
Qui viennent de votre côté.

Si le Ciel est en anarchie
Tu peux chier, pauvre manant ;
Vois-tu, toute ton énergie
Est peu de chose maintenant.

Ivrognes, hâtez-vous de boire
Vous n’avez plus que quatre jours,
Et vous, libres-penseurs de croire
Ou sans quoi… fichus pour toujours.

Et vous, Juifs considérables
Cramponnés à vos sacs d’écus
Donnez votre or aux misérables
Ne mourez pas comme des culs.

Pendant qu’il en est temps encore
Vous qui vécûtes salement
Voici tôt la suprême aurore
Tachez de finir proprement….


Mais voilà que je me démanche
A vous prêcher. J’ai tort, pardi,
Vous ne lirez ça que dimanche
Et vous serez mort vendredi.




Raoul Ponchon

le Courrier Français
25 mars 1894
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La fin du monde par Camille Flammarion

Il est probable que notre planète périra par le froid. S’il évitait cette destinée, une condamnation du même ordre le poursuivrait au-delà des siècles, car toute la vie terrestre est suspendue aux rayons du soleil, et notre beau et bon soleil ne brille que pour s’éteindre dans un avenir que l’astronomie prévoit déjà, et qui ne semble pas devoir dépasser vingtcinq ou trente millions d’années.

La Terre ne sera plus qu’un morne cimetière roulant silencieusement autour d’un astre rougeâtre. La dernière famille humaine se sera éteinte dans une zone équatoriale devenue glaciale à son tour. Un monument funèbre pourrait porter la dernière épitaphe de l’humanité : « Ci-gisent toutes les conquêtes de l’ambition, tous les lauriers de la gloire, tous les serments des mortelles amours. » Mais nulle pierre mortuaire ne marquera la place où ce sera exhalé le dernier soupir de la race humaine.

Et le soleil achèvera de s’éteindre. Et notre planète défunte continuera de tourner, boulet noir, autour d’un autre boulet noir. Mais dans vingt, trente, cent millions d’années, l’univers marchera comme il y a vingt trente, cent millions d’années, il marchait déjà comme aujourd’hui.
L’avenir de l’univers, c’est son passé. Il ne peut y avoir ni fi n, ni commencement. La nature tient perpétuellement en réserve une force inépuisable de résurrection. Tout change, tout se transforme, mais rien n’est détruit. Les soleils et les mondes renaissent de leurs cendres. La vie est éternelle.

Je sais tout, Janvier 1905, p. 63

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