20 sept. 2007

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JEAN GRAIN-D’ORGE
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D'après une poésie de Robert Burns, tirée d'une ballade populaire d'Ecosse.
Jean Grain-d'Orge était un hardi héro, d'un noble coeur ; car si seulement vous goûtez de son sang, il fera grandir votre courage.
Ainsi donc portons un toast à jean Grain-d'Orge, chacun le verre à la main et puisse sa grande prospérité ne jamais manquer à la vieille Ecosse.
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A Jean Blaize
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Il était une fois trois rois
Qui firent serment, par saint-d’Orges,
De faire mourir Jean Grain-d’Orge.
Un jour donc, les voilà tous trois,

Ayant surpris le pauvre hère,
Qui l’abattirent tout d’abord,
Et jurèrent qu’il était mort,
Après l’avoir couvert de terre.

Mais quand vint le Printemps joli,
On le vit relever la tête,
Et faire une belle risette,
Lui, qu’ils croyaient enseveli.

Et l’Eté de sa chaude haleine,
Le fit encore plus têtu,
De dards acérés revêtu,
Et se tenant droit sur la plaine.

Las ! L’Automne vint à son tour.
Et sous le vent qui le soufflette,
Jean Grain-d’Orge, courbant la tête,
Semblait défaillir chaque jour.

Peu à peu, sous le faix de l’âge,
Il perdit sa belle couleur,
Tandis que ces rois de malheur
S’acharnaient sur lui davantage.
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Ils le rompirent au genou,
Le mirent sur une charrette,
Comme un assassin qu’on arrête,
Les bras liés, la corde au cou.

Plus tard de coups ils l’accablèrent,
Et le firent tourner au vent ;
Et comme il demeurait vivant
Nos trois fripouilles le jetèrent

Dans une fosse pleine d’eau.
(Qu’il y enfonce ou qu’il surnage)
Vous croyez qu’il y fit naufrage ?…
Jamais de la vie. A nouveau,



Ses ennemis s’ingénièrent,
L’étendirent sur un plancher,
Et - l’on eût dit pour le sécher -
En tous les sens le secouèrent.

Malgré tous ces divers assauts,
Comme il n’avait pas rendu l’âme,
Ils firent alors sur la flamme
Fondre la moelle de ses os.

Et, digne de nos trois compères,
Mais plus lâche encore, un meunier,
En fait de supplice dernier,
Broya sa tête entre deux pierres.



Et puis, il poussèrent en chœur,
Tous les quatre, un cri de victoire,
Et burent, à leur grande gloire,
Le sang généreux de son cœur !

Et voilà, qu’au fur à mesure,
Ils buvaient le sang de son cœur,
Que la joie, ainsi qu’une fleur,
Épanouissait leur figure.




Raoul Ponchon
le Courrier français
15 juillet 1894

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