20 sept. 2007

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Crawfort, tu nous rases
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Crawfort, cet inconnu célèbre
Auteur d’un roman absolu-
Ment ignoré que ce funèbre
Cul voudrait pourtant qu’on l’ait lu,

Va trouver vingt fois par semaine
Jean Richepin dans son chez-soi,
Et gueule jusqu’à perdre haleine :
« Cette Mage il était de moâ ;
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« L’histoire avec quoi je l’ai faite
Est de mon pure invention,
Je l’ai prise en mon propre tête
Dans ma seule imagination.

« Je parlé le pelhvi, le zend(e)
Aussi bien comme le Français ;
D’ailleurs, toutes les langues de l’Inde
Je parlé comme le Français.

« J’ai donc lu toutes les ouvrages
En toutes langues et je n’ai
Rien trouvé qui parlé d’un Mage ;
C’est alors que j’imaginé,



« Et que j’inventé Zoroastre.
Si tu veux savoir d’où ça vient ?
De Zoro, goddam et de astre :
Tu vois bien, vôleur, tu vois bien.

« C’est moi seul qui pouvé connaître
Cett’ personnage, en vérité,
Mais toi tu pouvé pas connaître
Si c’est moi que j’ai inventé.



« Français ont des têtes vidées,
Ce sont tous filous, tous vôleurs.
C’est avec les nôtres idées,
Ces pick-pokets, qu’ils font les leurs.

« Comment tu aurais fait ton Mage
Sans lire le roman de moâ ?
Tu dois me payer un dommage
Ou bien je prené tout chez toi.

« Ton Mage et tous tes personnages
Et tes décors été de moâ ;
Ton incendie et tes orages,
Tes costumes ils été de moâ.

« La miousique été de moâ-même
Aussi, vôleur, de moâ, de moâ ;
Le gigue aussi de mô-hâ-même.
Enfin tout il été de moâ. »




Toute patience a sa borne,
Richepin le comprend ainsi.
Il tint donc à ce raseur morne
Le petit discours que voici :

« Crawfort, mon ami, tu me rases
Je t’ai volé, c’est entendu,
J’ai même pris phrase par phrase
Ton livre que je n’ai pas lu,

«Mais en revanche je te donne,
Quadruple essence de cocu,
Ça qui n’est encore à personne :
Mon pied au cu.





RAOUL PONCHON
le Courrier français
22 mars 1891



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