18 mai 2008

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LES CHINOIS
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… Oh ! quant à moi, je m’imagine
Que l’on est guère plus fixé
Au jour d’aujourd'hui sur la Chine
Qu'au temps du déluge passé.


Ce qu’on connaît d’elle est bien mince…
Des contes à debout dormir.
Sait-on seulement si son prince
S’appelle Auguste ou Clodomir ?

Peut-être que dans le Larousse
Quelques détails vous trouverez,
Et encore !… tout à la douce,
Edulcorés par les curés.

Et nous-mêmes, mon cher Delorme,
Qu’en savons-nous, qui savons tout ?
Sinon que ce pays énorme
Est sis au milieu de partout ;


Qu’ils parlent une langue telle
Qu’à côté, le charabia
Sarceyen semble chose belle
Et le seul parler qu’il y a…

Je sais qu’ils font tout le contraire
De nous loin de nous copier
Et qu’ils pleurent pour se distraire
Et qu’ils mangent avec leur pied,

D’ailleurs, d’étranges nourritures
Et des mets plutôt violents,
Poissons pourris, brans, confitures
De rats morts… des crapauds volants…

Je sais aussi que de bonne heure
La poudre on les vit inventer
Et le fil à couper le beurre
Ainsi que le poil à gratter…


Le thé, le rouge pour les lèvres…
La bicyclette, le coton…
Et les vases en bleu de Sèvres…
De même que l’encre en bâton.

Qu’ils sont vêtus de riche étoffe,
Qu’ils pétunent de l’opium
Et que leur plus grand philosophe
Est un nommé Confucium.

Que sais-je encore ? Que leurs femmes
Ont des pieds à ce point petits
Qu’à peine s’ils pèsent trois grammes.
- Vraiment ? - Puisque je vous le dis.

Mais, bizarreté sans pareille !
Dont on a lieu d’être étonné,
Qu' elles accouchent par l’oreille,
A moins que ce soit par le né….


Je sais que leur art militaire
Consiste en simplement ceci :
Foutre un âpre camp, ventre à terre,
Dès le premier coup de fusil…

Qu’en fait d’éclairages modernes
Ils se servent - mal informés -
D’étrons de chiens dans des lanternes,
Et encore, pas allumés…

Qu’ils se livrent à des négoces
Bizarres : Ainsi, croiriez-vous
Qu’ils vont trafiquant de leurs gosses.
Et de préférence avec nous.

Là-dessus il n’est point de doute :
Ils font macérer les moins gros
Dans de l’eau de vie… et ça coûte
Trois sous chez la mère
Moreaux.



Et voilà bien, pour tout potage,
Ce que je sais de ces Chinois :
Si vous en savez davantage,
O Delorme, dites-le moi.


Raoul Ponchon
le Courrier Français
09 août 1896
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1 commentaire:

Anonyme a dit…

En cette année olympique, l'humour de Ponchon est percutant... je ne pense pas qu'on en sache beaucoup plus sur la Chine, hormis les éternels poncifs mis au goût du jour par les médias. Bravo le poète !