27 sept. 2007

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Printemps qui glace, Printemps nouveau !
(AIR CONNU)
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Il me semble que de mon temps
Le printemps était moins morose.
Il était, avec ses vingt ans,
En quelque sorte moins en prose.
Il me semble que le printemps
De mon temps était vert et rose.

Quand de l’hiver tintait le glas
Les dernières flammes de l’âtre
Se changeaient en premier lilas.
Oh ! Le joli coup de théâtre :
Les violettes, les lilas
Naissaient de la neige folâtre.

Pour une pièce de trois liards
On pouvait s’en payer des bottes.
Seuls aujourd’hui quelques vieillards
Possèdent du foin dans leurs bottes
Se paient des lilas… pas gaillards,
Des violettes, quoi ?… nabotes.



Jadis, spirales, confettis
Ne navraient point vos jeunes branches
Arbres maintenant travestis !
Mais de fins bourgeons des dimanches
Perlaient, légèrement sertis
Aux pointes de vos jeunes branches.

Le printemps jadis fournissait
Au poète de la copie.
Il le chantait, le ressassait
Sans s’arrêter, comme une pie.
Autant sur la bière Pousset
Faire aujourd’hui de la copie.

A ma toquante à huit rubis
Mai aura sonné tout à l’heure
A moins de désastres subits,
Et ce printemps fou qui nous leurre
N’a pas encor ses beaux habits !
Et mai va sonner tout à l’heure !

Sors-je avec un lourd pardessus ?
Il fait une chaleur du diable ;
Si je mets de légers tissus
Crac ! Le froid devient effroyable.
Bref, avec ou sans pardessus
Ce printemps-ci n’est pas mangeable.



Comment veux-tu que de ce pas,
Seigneur, je chante sur ma lyre
La belle saison qui n’est pas ?
Que je sois pris du saint délire ?
Non, vraiment, je ne le peux pas.
Tu perds ainsi l’heur de me lire.

C’est abominable. Ainsi, vois…
Avec ma peste chérie
J’allai l’autre hier dans les bois…
Ils avaient la mine fleurie
Autant qu’une jambe de bois.
Pourquoi cette fumisterie ?

Quelles sont les bonnes raisons
Qui te font changer de la sorte
L’ordre et la marche des saisons,
Dont l’une est déjà quasi-morte ?
Tu dois en avoir des raisons,
Mais que le Diable les emporte !



Autrefois, ton sacré printemps
Arrivait une fois pour toutes.
Le printemps était le printemps,
Tu lâchais ses écluses lentes,
A cette heure, c’est épatant,
Tu nous le fous au compte-gouttes.



Raoul Ponchon
le Courrier Français
21 avr. 1895
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