28 sept. 2007

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C’EST EPATANT !
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Épatement : étonnement admiratif.
Dictionnaire de l’Académie

Il est, en argot, de ces mots
Qu’il serait plutôt téméraire,
Tels des vocables esquimaux,
D’introduire au Dictionnaire.

Mais il en est d’autres aussi
Qui sont d’un emploi séculaire,
Sauvés qu’ils furent, Dieu merci !
Par le langage populaire.

Ils sont parfaitement congrus,
Ils nuancent et font image ;
Les traiter comme des intrus
Serait, m’est avis, fort dommage.

Je les préfère mille fois
A ces mots de langue étrangère,
Que nous adoptons, sans nul choix,
Un peu beaucoup à la légère.

Or, notre langue de Ronsard,
Quoi qu’en pense ce vieux Malherbe,
Qui, quand même, était un lascar,
Est innombrable comme l’herbe.



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Parlons de l’argot. Sans compter
Que cette expression vulgaire
Epatant viendrait d’épatter
Cela ne m’étonnerait guère.

Epatter voudrait dire donc :
Casser, à quelque être, les pattes,
Epatter une oie, un dindon -
Par exemple. -Hein ! ça vous épate ?

En épattant tout simplement
Ces volailles essentielles,
Il s’ensuit un épatement
Sans rien d’admiratif pour elles.

Mais là n’est pas la question.
En France, les Français ingambes
N’ont-ils pas ces locutions :
« Cela vous coupe bras et jambes… »

« Les bras m’en tombent » t’ coetera…
Quelqu’un vous épate, c’est comme
S’il vous coupait jambes et bras,
Epatant est le mot, en somme.

Si c’est là d’où vient épatant,
Le mot doit par deux t s’écrire ;
Et voyez, ces messieurs pourtant,
N’en mettent qu’un, m’allez-vous dire.

C’est bien aussi ce que je crois.
Mais, dame, ils sont libres d’en mettre
Un seul, comme deux, voire trois,
Si ça leur chante. Ils sont les maîtres !

Remarquez que je ne tiens pas
A ladite étymologie
C’est en m’humectant le lampas
Qu’il m’en passa la fantaisie.


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Quoi qu’il en soit, il est piquant
D’ouïr des mots, sous la coupole,
Dont jusqu’ici le seul croquant
Semblait avoir le monopole.

Vous verrez que, dans un temps prompt,
Quand ils seront bien « à la sonde »,
Ces messieurs vous épateront
En parlant comme tout le monde.



Raoul Ponchon


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