24 sept. 2007

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LA GLOIRE
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Pour Puvis de Chavannes*


Or, le jour de l’enterrement
De Hugo qu’on venait de mettre
Au Panthéon, seul monument
Digne de recevoir le Maître…


Digne, non pas tant qu’il soit beau,
Mais à cause qu’on y voit - telle
Une rose sur un tombeau -
O Puvis ! la fresque immortelle,


Je me trouvais au cabaret,
( Vous n’avez pas l’air de me croire ?
J’y étais pourtant, il paraît,
Et le veut ainsi mon histoire )

Quand près de moi vinrent s’asseoir
De collignons tout un synode
Qui entamèrent un crachoir
Sur l’illustre mort à la mode.

Bien sûr, je ne puis répéter
Exactement tout ça qu’ils dirent
De remarquable, sans compter
Heureux qui les entendirent !

« … C’était tout de même quelque un -
Savez-vous que le vieux bonhomme…
…Paraît qu’il n’en craignait aucun…
Mais qu’est-ce qu’il faisait, en somme ? -
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- Il était académicien
Hé, gourde… messieurs, à la vôtre. -
- Non, c’était un savant… - Eh bien ?
Crois-tu que l’un empêche l’autre ?

- Peut-être bien, mais pour changer,
Il faisait aussi des romances
Dans le genre de Béranger,
*
Des dictionnaires immenses. -

- Que dis-tu ? Couyon, ah, ben oui,
Il travaillait pour le théâtre ;
Je le sais bien, j’ai vu de lui
Mari’qui dort et Cléopâtre. -

- Il était sénateur - tu vois
Comme l’on est cul à Montrouge -
Je l’ai conduit pendant des mois,
Même qu’il avait le nez rouge. -

- Vous êtes un tas de fourneaux
Et vous me faîtes de la peine ;
Il écrivait dans les journaux, -
Voulut résumer un urbaine.

- A preuve que sous Badinguet,
*
Il faisait de la république ;
C’est même pour cela, paquets,
Qu’il dût relayer en Belgique. -


……………………………

Ce débat eut duré toujours
Quand un cocher, plein de génie,
En termes excellents, mais courts,
Rétablit ainsi l’harmonie.

- « Mais, ce qu’il faisait, je m’en fous ;
Des almanachs et des grimoires…
Son seul intérêt, voyez-vous,
C’est qu’il donnait de bons pourboires »




R.P

1895
Hugo est mort en 1885



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