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LE VIN DE MONBAZILLAC
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En ce pays très digne et noble
De Dordogne, emprès Bergerac,
Il existe un petit vignoble
Qu’on appelle Monbazillac.
Monbazillac ! Hé, par ma trogne !
C’est un nom, ça. Dirait-on pas
Celui d’un cadet de Gascogne
Ne rêvant qu’amour et combats ?
Il faudra que j’examine
- Pensai-je - dès qu’on m’en parla.
Il ne peut qu’avoir fière mine
Le vin qui porte ce nom-là.
Dans tout ce pays vinicole,
D’ailleurs, ce gaillard-là jouit
D’une réputation folle
Qui tout d’abord vous éblouit.
Moi qui suis un peu, somme toute,
Dans le genre de saint Thomas,
Pour le croire, faut que je goûte :
Si tu es bon, ô vin ! Tu m’as.
Sachez, puisqu’il faut tout vous dire,
Que ce fameux Monbazillac
N’est qu’à la distance pour rire
De deux bistros de Bergerac.
Comme j’étais dans son parage,
- Hier, près d’un ami trop tôt fui -
Je pris un fringant équipage
Et fus boire ce vin chez lui.
Une fois là, comme j’insiste
Selon l’accent de Bergerac
Auprès d’un premier aubergiste
Pour avoir du Monbazillac :
« Savez-vous - me dit-il - jeune homme,
Quoi c’est que du Monbazillac
- Eh ! non, justement… - C’est un bome
C’est un velours sur l’estomac.
« J’en ai, je crois, quelques bouteilles
Par-là… quelque part, dans un coin,
Qui dorment sur leurs deux oreilles,
Oui, mais voilà que je n’en vends point. »
Bonsoir. Je fus chez un deuxième
- Une vieille, cette fois-ci -
Qui me fit à peu près la même
Réponse ; d’ailleurs la voici :
« Ah ! Ça n’est pas du jus de tuile
Que le Monbazillac, tu sais ?
C’est sucre, c’est sirop, c’est huile !
Petit, si tu le connaissais !
« Vois-moi ce fin coteau qui flambe
Au soleil, eh bien c’est le mien…
- Ca me fait une belle jambe,
Je veux ton vin, s’il est chrétien. »
Je crus donner à cette vieille
Des arguments prépondérants
En lui offrant d’une bouteille
De son vin trois cent mille francs.
Eh bien, non. C’est à n’y pas croire,
Elle ne voulut rien savoir,
Car elle-même de le boire
Se faisait un joyeux devoir.
Elle m’envoya chez le maire.
« Peut-être que là j’en aurai… »
Oh ! là là, le maire ! ô chimère !
Il me dit : « Voyez le curé. »
Enfin dans ce pays sévère,
Je courus deux, trois jours en vain
Sans pouvoir obtenir un verre
De cet aléatoire vin.
L’un me conspuait sans vergogne
Ou bien me trouvait rigolo ;
Celui-ci m’offrait du…bourgogne !
Lorsque ça n’était pas de l’eau !
Bref, aujourd’hui je me demande
Si ce vin, qu’on ne peut s’offrir,
N’est pas un mythe, une légende…
Sinon un bruit qu’on fait courir ?
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