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Anglais et petits pois
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C’est l'époque charmante, absurde
Où dedans Paris on est sûr de
Voir affluer tout à la fois
Les Anglais et les petits pois.
Les petits pois, je les révère
Et lève en leur honneur mon verre.
Quant aux Anglais, c’est différent,
Je les cambronnise d’un : bran !
Pourtant cette année, il me semble
Qu’ils ne sont pas venus ensemble.
Je n’ai pas encore mangé
De petits pois, par contre, j’ai
Vu des Anglais par cent et mille
Infester la ville d’Emile.
J’en ai vu plein des tapissières,
En habits mastic et poussière,
Plein des four-in-hand et des mails.
J’ai vu qu’à l’heure des cocktails,
Ils envahissaient les enceintes
Où nous prenons nos herbes saintes.
Enfin, ils poussent sous nos pas
Pendant comme entre nos repas.
Le soir, dans nos salles coquettes
Ils arborent quelles casquettes !
Et de singulières juments
Dont ils sont maris ou amants !
Prennent-ils Paris pour un bougre,
Ces grandes sauterelles rouges ?
Nous serons bientôt obligés
De fuir devant ces enragés.
Oui, c’est là notre destinée,
Car ils augmentent chaque année?
C’est en vérité trop d’Anglais,
Et pour si peu de petits pois !
Viennent-ils pour suivre l’affaire
De plus près, dans son atmosphère ?
Ou bien, ces êtres malchanceux
N’ont-ils pas de printemps chez eux ?…
Le Ciel dans sa juste colère
Punit-il leur morgue insulaire
Pour un périodique exil ?…
On n’en sait rien. Toujours est-il
Qu’ils emportent dans leur valise
Tous les brouillards de la Tamise,
Toute leur haine et tout leur spleen,
Et jusqu’à leur mère la Queen,
Et pendant un mois, chaque année
Changent notre ville affinée
En quelque perfide Albion.
Hélas ! Et dire que si on
Traversait à son tour la Manche
Pour aller jouir de leur dimanche
A Londres, on trouverait (merci !)
Peut-être autant d’Anglais qu’ici !
Raoul Ponchon
le Courrier Français
16 avr.1899
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