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LE MOT
" CHIC "
" CHIC "
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On disait l’Académie
Atteinte d’une anémie
Cérébrale. Il n’en est rien.
Tous les jours, vaille que vaille,
La vieille folle travaille
Comme un vrai galérien.
Pas plus tard qu’hier encore,
Aux premiers feux de l’aurore,
Elle était sur le mastic ;
Et dans son dictionnaire
Elle donnait, débonnaire,
Sa grande entrée au mot « chic».
Il y eut bien du tirage
Parmi ceux-là d’un autre âge,
Avant qu’il fut adopté :
C’est ainsi que Brunetière,
Fort expert en la matière,
Fit quelque difficulté.
Cependant, le mot existe.
Il passa de chez l’artiste
Dans le domaine public.
Mais, bien qu’il soit sur ma liste,
Dire en quoi le chic consiste,
Voilà justement le « hic ».
Le chic est don de naissance.
C’est une certaine aisance
Dans l’art de se bien vêtir ;
Un je ne sais quoi qui donne
Grand air à votre personne
Et qui la fait ressortir.
Mais il ne faudrait pas croire
Au moins que la moindre « poire »
Qui se va faire ganter
Par le tailleur à la mode,
A du chic - selon le Code -
A quoi bon en disserter ?
Ainsi, pour prendre un exemple,
Il est d’une évidence ample
Que moi, fussé-je cent fois
Vêtu de satin, de moire…
Je serais comme une armoire
Toujours. Tandis que je vois
Très bien ce fils de Burgraves,
« Le chef des odeurs suaves »,
Notre cher de Montesquiou, *
Conserver un chic suprême
Quand il s’habillerait même
Avec des feuilles de chou.
Les uns, sans y prendre garde,
Sans souci qu’on les regarde,
Ont du chic. C’est le « chic ». Mais
D’autres, pour paraître en forme,
Se donnent un mal énorme
Qui n’y parviendront jamais.
De même, petite folle
D’Institut, sous la Coupole,
Vous avez des auteurs chics.
Et puis, vous en avez d’autres
Qui ne valent pas les nôtres
Passés dans nos alambics…
N’importe ! autant que vous êtes,
Ne voyez dans mes gazettes
Que les propos d’un loustic ;
Car il est indubitable
Qu’en adoptant ce vocable
« Chic », vous vous montrâtes chic.
R.P
le Journal - 21 avr. 1902
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