29 sept. 2007

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SAINT CORNELI
( Légende bretonne )
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On raconte que, dans l’Armor,
Vivait un très saint homme,
Au temps où ce pays encor
Etaient aux mains de Rome.

Corneli
*, tel était son nom, -
D’autres disaient Corneille,
N’importe. Fût-ce Agamemnon,
L’histoire est toute pareille…

Sur un char traîné par des bœufs,
Pour n’aller pas trop vite,
Et sans être autrement verbeux
- Rapport aux laryngites, -

Il allait, évangélisant
Cette terre païenne,
De ci, de là, prêchi, prêchant
La morale chrétienne.



Un jour, aux plaines de Carnac,
Comme il ouvrait la bouche,
Se trouvant cerné tout à trac
Par des guerriers farouches,

Il se cacha, - dit-on, - mais peu,
En ce péril extrême,
Dans l’oreille d’un de ses bœufs.
Difficile problème !

Sans doute, il se fit tout petit
Ou fit l’oreille grande ;
Voilà ce que point ne nous dit
La naïve légende.

De plus, ces guerriers, par bonheur
Et grâce à ses prières,
Comme avec l’aide du Seigneur,
Furent changés en pierres.

Ce sont ces menhirs iroquois,
Absurdes, insolites,
Qu’on voit au pays carnacois
Et nommés mégalithes.


*
* *

Ce Corneille, encor aujourd’hui,
Voit respecter son culte :
Carnac ne jure que par lui ;
C’est le saint qu’il consulte.

Il l’entoure d’attentions
Et d’un amour sans bornes,
Lui donne sa commission
Sur les bêtes à cornes.

Un paysan s’aperçoit-il
Qu’une de ses ouailles
Languit de quelque feu subtil
Au sein de ses entrailles :

« Grand saint, - dit-il, - si, par pitié,
Tu veux guérir ma bête,
Je t’en donnerai la moitié
Pour le jour de ta fête. »

Le saint guérit toujours. Et quand
Arrive l’échéance,
Notre heureux et madré croquant
Partage en conscience…


Sa conscience à lui, - s’entend, -
Large au moins d’une lieue.
Il garde sa bête - on prétend -
Et donne au saint la queue.

Encore, ô grand saint protecteur !
Voilà qui te la coupe :
C’est le détestable recteur
Qui en fait de la soupe.



R.P
le Journal - 22 sept. 1902

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