21 sept. 2007

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L’Exposition de 1900


Trois grincheux, quatre rabat-joie
Malades à coup sûr du foie,
Sinon de l’estomac, sont pris
D’une rage qui se déchaîne
Sur l’Exposition prochaine :
On va perturber leur Paris !

Ces pauvres âmes sont brisées.
Sabouler leurs Champs-Elysées
Que l’on leur envie à Berlin !
Construire sur ces terrains vides
Attenant à leurs invalides
On ne sait trop quoi de vilain !

Changer la bonne symétrie
De leur Palais de l’industrie
Si chaud l’hiver ! Si beau l’été !
Foutre un nouveau pont sur la Seine
Quand il y en a des douzaines,
C’est bien dommage, en vérité !


Voilà qu’ils suent force copie
Pour conspuer cette œuvre impie
Qui doit tout navrer, tout tuer,
Et ne sera, s’il faut les croire,
Qu’une immense et stupide foire…
- Grincheux, vous nous faîtes suer.

Mais, ce Paris qui est le vôtre,
Sur lequel votre amour se vautre,
Vous l’enlaidissez chaque jour ;
Vous n’y construisez que des boîtes
Sans air, sans jour, ordes, étroites,
Est-ce là votre gai séjour ?

Vous le dépouillez de ses arbres
Pour y planter d’absurdes marbres,
Vous en faîtes un lieu d’enfer.
De même en votre ardeur brouillonne
Vous demandez qu’on le sillonne
De tramways, de chemins de fer !…

Quelle autre bonne balançoire !
Si Paris n’est pas une foire
Perpétuelle, mais encor ?…
Ca n’est plus Ponchon qu’on me nomme,
Et je prends Paris pour un homme
Si ce n’est pour Chandernagor !

Mais pour le vrai cataclysme
C’est ce déluge d’exotisme
Qui tombe aux expositions ?
C’est justement quoi le préfère ;
Car, ô porteurs de diable en terre,
Si vous voulez que nous goûtions



Ailleurs des plaisirs artistiques
Que chez ces messieurs exotiques
Javanais, chinois ou bédouins,
Faîtes alors que l’on s’amuse
Aux chers produits de votre muse,
Nous n’irons pas chercher plus loin.

La moindre gitane espagnole
Pour moi semble autrement moins gnole
Que vos danseuses d’opéra ;
J’ai soupé des couchers d’Yvette,
De leur dessous, de leurs cuvettes,
J’aime encore mieux le choléra.

Si Paris vous semble effroyable
En 1900, allez au diable
Voir si s’avance le printemps,
Ou , bien plutôt, aller à Londres
Faire blanchir vos hypocondres
Et revenez-nous bien portants.


Raoul Ponchon


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