20 sept. 2007

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LE SILENCE EST D ’ OR
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Taisons-nous, Goncourt prend des notes.
Il va, si nous ne nous taisons,
Changer en phrases huguenotes
Les jolis mots que nous disons :
Taisons-nous, Goncourt prend des notes.

Il manque tout à fait d’esprit ;
En ces tablettes combien grises,
Il met, en style de conscrit,
Les choses qu’il n’a pas comprises,
Dont il tripatouille l’esprit.
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Cet écrivain écoute aux portes,
Mais le plus fort c’est qu’il est sourd ;
Vous voyez d’ici quelles sortes
D’histoires écrit ce Goncourt,
Brave sourd écoutant aux portes !

Vous dites blanc, il entend noir,
A moins que ce ne soit l’inverse ;
Il est comme un vague entonnoir
Qui ne sait quel vin le traverse,
Si c’est du blanc ou bien du noir ?
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D’ailleurs, très épris de sa fiole,
Des romans écrits en français
Il croit avoir le monopole ;
Si l’on parle du grand Français
Il croit qu’il s’agit de sa fiole.

Taisons-nous, messieurs, pas un mot !
Je l’entends derrière la porte ;
Ne parlons pas même esquimau ;
Attendons que le bougre sorte :
Surtout ne disons pas un mot.

C’est qu’il a besoin de copie
Voyez-vous, s’il vient nous raser ;
On bavarde comme une pie,
Entre copains, l’on croit causer…
Non !...on lui fait de la copie.

Faisons dodo tant qu’il est là.
Mettons dans un coin notre lyre.
Et plus tard nous n’aurons pas la
Disgrâce affreuse de nous lire,
Si nous dormons tant qu’il est là…

…Il est parti ! Quelles sottises
Va-t-il nous mettre sur le dos ?
Je voudrais bien que tu me dises…
…Bien…Je comprends rien qu’à ton dos…
Est-il parti ? Quelles sottises !

Je crois bien en avoir trop dit
Déjà, pour sa vaillante plume
A son Journal sans contredit
Il peut ajouter un volume,
Grâce à ce que je n’ai pas dit.

Taisons-nous, Goncourt prend des notes.
Il va, si nous ne nous taisons,
Changer en phrases huguenotes
Les jolis mots que nous disons :
Taisons-nous, Goncourt prend des notes.




Raoul Ponchon



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