16 juil. 2009

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CONCOURS DE BEAUTE
POUR HOMMES
Dernièrement, à Berlin,
a eu lieu un concours de beauté pour hommes.
(Journaux)
 
 
Quand elles surent l’histoire
Vexatoire
De ce concours masculin,
Qu’on avait jugé sans elles,
Demoiselles
Et matrones de Berlin

 
Menèrent un grand tumulte :
« On insulte
Notre sexe, en vérité !
Quoi ! ces porteurs de bretelles,
- Dirent-elles -
Ces êtres d’absurdité
 
Et de laideur quoi ! ces singes
Sans méninges
Se trouvent beaux, maintenant,
S’analysent et se jugent,
Et s’adjugent
Des prix ! C’est inconvenant.
 
Qui donc, en ce cas suprême,
Hors nous-mêmes,
Peut discerner tout d’abord
Les qualités favorites,
Les mérites
Du sexe soi-disant fort ? »
 

« Reprenons, dit une veuve,
Cette épreuve
Avec tact, avec esprit,
Et, pour décerner la pomme,
Qu’aucun homme
Ne soit membre du jury. »
 
Le jour fut pris, l’heure dite.
Une élite
Se pressa de Berlinois
Chez une de ces Altesses.
Mais qu'étaient-ce
Que ces Berlinois de choix ?
 
On s’en doute : des aztèques,
Des pithèques
Des papions , des outangs,
Des chimpanzés, des gorilles,
Des mandrilles
Et des orangs dégoûtants ;
 
Bref, ce tas d’êtres bizarres,
Vivipares,
Que ces dames de Beauté
Veulent bien appeler hommes,
Mais, en somme,
Par pure civilité.
 

Mais ne poussons rien au pire.
Je dois dire
Que quelques-uns, cependant,
Semblaient, emmi cette foule,
Faits au moule,
Avaient de l’œil, de la dent…
 
A ce que les gens assurent.
Lorsque furent
Tous ces hommes au salon,
Ces dames les saluèrent,
Les prièrent
D’enlever leur pantalon.
 
Ensuite, les supputèrent,
Les palpèrent,
Les firent volter, marcher,
Lever les bras, les guibolles,
Les symboles…
Et s’asseoir et se coucher…
 
Il y eut là des disputes
Et des luttes.
Et, quoique tel gars bien pris
Et bâti selon la norme,
Très en forme,
Méritât le premier prix,

 

Elles n’en tinrent point compte.
On raconte
Que ce prix-là fut donné
Au plus laid, comme au plus farce,
Et ça, parce
Qu’il jouissait d’un grand nez ;
 
De cet excès d’appendice,
Long et lisse,
Sans nulle proportion,
En tirant, ces demoiselles,
Ne sais quelles
Etranges conclusions.
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RAOUL PONCHON
Le Journal
27 août 1901

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