10 juil. 2009

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Notre oncle François
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Ainsi notre oncle admirable,
Vénérable,
Ce prodigieux jumart
Ne s’appelle pas Francisque,
Ni Félisque,
Pas davantage Ingomart ;

 
Ni Fagot, ni Sganarelle,
Il s’appelle
Tout françoisement François,
François les Bas-Bleus ? Possible,
Admissible.
François le Champi, qui sait ?
 
Ce nom de François, en somme,
Le bonhomme
Le porta tant qu’il était
Croûton derrière une malle
A Normale.
C’est plus tard qu’il le quittait.
 
Mais au cerveau de pétoncle
De notre oncle
Comment - se demande-t-on -
L’idée est-elle venue
Saugrenue
D’adopter un autre nom ?
 

Il s’est dit, dès l’origine,
- J’imagine -
Qu’on ne signe pas François
Quand on veut être un des maîtres
Dans les lettres,
Et faire parler de soi.
 
Ce ne fut pas tout de suite,
Disons vite,
Qu’il francisqua son François,
Car sous divers pseudonymes
Nous le vîmes
Ecrire en divers patois.
 
Il signa bien des matières
De Suttières
(1),
Aussi Satané Binet,
A cette époque lointaine
D’About… Taine…
Quand Veuillot le débinait
(2).
 
Plus tard, un jour de délire
Et de lyre
Il fait Francis de François ;
Mais ce Francis bien ne sonne
Pour personne.
Qu’en dis-tu, qui que tu sois ?
 
Et Francis devint Francisque
Tel Félisque
Vient de Félix. Et croyez
Qu’un de plus, en l’espèce…
Mon Dieu, qu’est-ce ?
Ça n’est pas pour l’effrayer.
 

Francisque est plus euphonique,
Plus rythmique,
Plus mol et plus cadencé ;
Ce prénom est plein de grâce,
Sent sa race
Quand il précède Sarcey.
 
François est bien vulgaire :
Rien à faire
Quand on s’appelle François,
Pour un homme de théâtre
Pour un pâtre
Qui fait paître les bourgeois.
 
C’est donc sous ce nom qu’il risque
De Francisque,
Nom aimable et redouté,
De passer célèbre et comme
Un seul homme
A la postérieurité.
 
 
RAOUL PONCHON
le Courrier Français
 
 
(1) Voir Banville, Odes Funambulesques.
(2) Voir Veuillot, Le Fond de Giboyer.

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