6 févr. 2009

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ANIMAUX ANTEDILUVIENS
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M. Carnegie * fait don à notre muséum
d’une copie en plâtre de son diplodocus.
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Quand son sol n’était que limon,
La Terre vit éclore,
Sous l’effort de quelque démon,
Une incroyable flore.

Sous un soleil torrentiel,
Les plantes gigantesques
Se multipliaient vers le ciel
Et l’atteignaient - ou presque.

Et dans ce paysage fou,
L’herbe la plus modeste
Etait haute comme un bambou ;
On peut juger du reste.

A cette flore, évidemment,
Une adéquate faune
Ajoutait tout son agrément,
Sans lui céder d’une aune.

C’est l’époque des grands sauriens,
Des monstrueux reptiles,
Des mammouths, quoi… des propres à rien,
Et des « ptérodactyles »,


- Si j’en crois les savants en us -
Et des « atlantosaures »,
Et des bothsriospondylus…
Je ne sais quels encore.

Tels de ces lascars, il parait,
Parmi les plus champêtres,
De queue en tête mesurait
Vingt-cinq ou trente mètres.

On les voyait à peine éclos,
Selon la loi commune,
Pesant leur millier de kilos !…
Ça n’est pas une prune.

Eh bien, c’est un de ces messieurs
Que le bon Carnegie
Va faire passer sous nos yeux,
Du moins en effigie.

Nous verrons donc, en son ampleur,
Ce monstre d’une époque
Où le charbon était en fleur,
Ce brave diplocoque.

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* ...*


Nos ancêtres devaient, bien sûr,
Leur faire des courbettes
Quand ils rencontraient, sous l’azur,
Ces formidables bêtes ?…

Pas du tout. Ces monstres n’étaient
Que de simples pécores,
Pour la plupart ; même, ils broutaient,
Etant des herbivores.

Les diplocoques Dieu merci,
En leurs mâchoires lentes,
Engloutissaient, tel du persil,
Les fougères géantes.

Et puis, après tout, ô lecteur !
Nos terribles ancêtres
Etaient sans doute à la hauteur…
On ne sait pas. Peut-être ?…

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* ...*



D’ailleurs, il est souvent hâtif
Le jugement qu’on porte
Sur un être rébarbatif
A qui l’on clôt sa porte
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Il est, en notre Lilliput,
De relatifs colosses
Que l’in dédie à Belzébuth,
Et ce sont les moins rosses.

On voit des gens chaque pas
A la mine farouche,
Et qui, certes, ne feraient pas
Tort à la moindre mouche.

Le plus dangereux appétit,
Sur notre pauvre globe,
Vient de l’infiniment petit,
De l’absurde microbe.

Le lion est un bon enfant,
Près de ce que nous sommes,
Et remarquez cet éléphant…
C’est le plus doux des hommes.


Voire, - les dieux me soient témoins ! -
Encor que plein d’astuce,
Un hippopotame est bien moins
Embêtant qu’une puce.
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RAOUL PONCHON
le Journal
18 avril 1908

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