31 déc. 2008







M. Fallières a reçu de Ménélick un lion, un zèbre et une girafe pour ses étrennes.

Le sort nous fut dur comme bronze,
Cet an dernier qu’on a trop vu ;
Enfin, voilà dix-neuf cent onze !
Qu’il soit le bienvenu ! Pourvu

Que d’une sorte moins infecte
Il veuille bien se comporter…
Mais, Seigneur, ô grand architecte,
C’est avec toi qu’il faut compter,

Qui troubles nos points de repère,
Qui nous turlubes les saisons,
On se demande pour quoi faire.
Verlaine eût dit : pour des raisons…
Mais des raisons n’en sont pas une.
Et notre esprit est en défaut
Quand nous ne voyons que la Lune,
Au lieu du Soleil qu’il nous faut.

Pourquoi l’hiver abominable,
Qui dure des six mois constants ?
L’ord Eté, l’Automne minable ?
Qu’est-ce que tu fais du Printemps ?
Nous ne voulons pas qu’il perdure,
Ce serait peut-être ennuyeux.
Mais, de grâce, un peu de verdure
Pour nous bercer l’âme et les yeux,
Après la saison morne et grise.
Sont-ce là de coupables vœux ?
Que le Printemps soit sans traîtrise
C’est quoi nous voulons, quoi je veux.

L’Eté vienne ensuite, et sa flore,
Que l’on voie, aux temps germinaux,
Roses et cerises éclore
Pour nos femmes, enfants, moineaux.

Viendrait après le tiède Automne,
Le mieux chantant du quatuor
Des saisons, et qui met en tonne
Un vin, comme lui, pourpre et or.

Mais c’est là demander sans doute
L’impossible. Le seul espoir,
C’est qu’il fera beau, somme toute,
A moins que tu fasses pleuvoir.

Pourtant, sur le rendez-vous ferme
De l’Hiver tu peux compter. Si
Tout proprio, le jour du terme,
Est exact, l’Hiver l’est aussi
*
*...*


Mais quoi ! te voilà, jeune éphèbe,
Dix-neuf cent onze, mon ami,
Et quoique madame, de Thèbes,
D’ores et déjà, t’ait vomi.


Tu débutes par un dimanche.
Or, si tel vieux dicton j’en crois,
C’st là du bonheur sur la planche
Pour tous et pendant douze mois.

Eh bien, acceptons-en l’augure,
Sans nous mettre plus en émoi,
Encore que je me figure
Que ce dicton est faux. Pour moi,

Tu commences mal la semaine,
N’ayant, non plus qu’à la Christmas,
Au jour de l’an reçu d’étrenne,
Pas même une girafe !
J’en eusse fait mon ermitage,
Mon domicile officiel,
Au moins habité quelque étage,
Comme on fait dans un gratte-ciel.


Et j’aurais loué le reste…

RAOUL PONCHONle Journal
02 janvier 1911
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