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NOËL
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Allons, bergers, dépêchez-vous,
Laissez là vos ouailles.
Dans la nuit de Noël les loups
Sont doux comme volailles.
Allons, Martin et toi Lison…
Voyons, viens-tu, Flipote.
Hardi, Talebot ! Quoi, Suzon,
Vas-tu faire la sotte.
C’est vrai qu’il fait bien froid dehors.
Que veux-tu que j’y fasse ?
Songe que tu vas voir d’abord
Notre Dieu face à face.
* ...*
Le voici le petit Naulet.
Il est quasiment rose
Comme un petit cochon de lait
Et frais comme une rose.
La maman n’est pas mal non plus.
Une dame des villes,
Sans doute. Quant au vieux barbu
Il a l’air bien habile.
Pardine, père Talebot
Qui lit dans les grimoires,
Conte quelque chose de beau
A cet enfant de gloire.
Un bœuf est là, un âne aussi…
En voilà bien d’une autre !
Ne parlent-ils pas tout ainsi
Que feraient des apôtres ?…
Et l’âne avec la voix qu’il a
Proclame le Messie.
Et le bœuf chante alléluia
Avecque frénésie.
L’un fait meuh ! et l’autre hi ! han !
Ce qui, bien tu supposes,
Dans le langages d’Orient
Veut dire bien des choses !
L’un fait hi ! Han ! et l’autre : meuh !
Qui veut dire, je pense,
Nous faisons tout ce que nous peut,
Si l’on n’est pas des princes.
Mais, me trompé-je ? ou si j’entends
Le petit Nau qui parle
Parlant non pas comme un enfant,
Mais comme le roi Charles ?
Il dit de sa plus douce voix :
« Bonjour, messieurs et bêtes.
Mais je bne vois pas les trois Rois.
Ils manquent à la fête.
« Jadis, à cette époque-ci
Ils quittaient leur empire
Pour m’apporter jusques ici
L’or, l’encens et la myrrhe.
« Qu’est-ce qu’ils sont devenus
Ces somptueux monarques ?
Sont-ils morts ? Ou ne suis-je plus
Pour eux quelque un de marque ?
« - Sire, ils ne vous connaissent plus,
Leur orgueil est extrême.
S’ils ne sont pas ici venus,
C’est que dans l’instant même,
« Ceux qui ne sont pas occupés
A se faire la guerre,
Sont ailleurs en train de souper
Avecque des moukères. »
* ...*
Pendant ce temps, branlant le chef,
Le bœuf faisait ripaille
Avec la barbe de Joseph
Qu’il croyait de la paille.
RAOUL PONCHON
le Courrier français
29 déc. 1901
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