21 déc. 2008

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REPOS HEBDOMADAIRE
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C’est quand j’ai quelque chose à faire
Que je suis pris, en général,
D’une paresse hebdomadaire,
Au physique comme au moral.

Un rien m’écrase, tout me brise,
Tout effort me semble odieux.
Je crois que le ciel me méprise,
Et que m’abandonnent les dieux !


Si, pendant toute la semaine,
Je ne fais rien de mes dix doigts,
Lorsque le dimanche s’amène,
Je suis plus paresseux cent fois.

Cependant, je dois bien le dire,
Le dimanche est précisément
Le jour où je gratte ma lyre,
Car, c’est mon jour de… roulement.


Mon Dieu, je me demande encore
Pourquoi j’ai choisi ce jour-là,
Quand c’est pour la moindre pécore,
Celui de repos, de gala ?…


Je n’en sais rien. Une manie…
Mais voyez cette absurdité :
Les autres jours j’ai du génie,
Même de la facilité.

Hier, je ruminais des poèmes
Quoi ?… définitifs, absolus,
Et des rimes, autant de gemmes,
Et puis, je ne m’en souviens plus.


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* ...*

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Aujourd’hui , qui est donc dimanche,
Hélas de moi, pauvre engourdi,
Il convient que je me démanche,
Pour que vous me lisiez lundi.

Or, ma paresse me consume.
Je ne puis, sans m’estropier
La cervelle, saisir ma plume,
Salir ma feuille de papier.

Le fait de chercher une rime
Me semble un travail surhumain ;
Et c’est en vain que je m’escrime.
Las ! qu’aujourd’hui n’est-il demain !

J’y trouverais tout bénéfice.
Demain, ou je me trompe fort,
Il se pourrait bien que je fisse
Quelque chef d’œuvre sans effort.

Qui sait si la rime docile
Ne viendrait pas à mon appel ?
Et si, d’une veine facile,
Je ne rimerais rien de bel ?


Si je ne ferais pas le livre
Auquel j’ai si souvent pensé,
Et qui ne demande qu’à vivre,
Mais qui n’est du tout commencé ?



Car, encor qu’elles semblent nées
En même temps que nous, demain
Peut déranger nos destinées
De sa capricieuse main.

Ainsi donc, ô lecteur, mon frère,
Laisse moi jouir aujourd’hui
De ma paresse hebdomadaire…
Demain, tu seras ébloui !


RAOUL PONCHON
Le Journal
01 août 1906
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