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VICTIME DU KRACH
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O sort trois fois funeste !
Pas le plus petit zeste,
Voilà ce qui me reste
De toutes mes valeurs !
Le krach… ah ! La sal’ bête
Leur a coupé la tête,
Leur a mangé les pattes ;
Au voleur ! Aux voleurs !
Adieu donc, à mes rentes
Hier encore apparentes
Aujourd’hui plus mourantes
Que mes vieux Panamas !
Dividendes énormes,
Dépassant toutes normes,
Titres de toutes formes,
Titres de tous formats !
Adieu mes Saragosse
Qui m’étaient, étant gosse,
Un lucratif négoce.
Mes Crédit mobilier !
Et mes Comptoir d’Escompte
Dont j’ignorais le compte !
Ils ne sont plus qu’un conte
Qu’il me faut oublier.
O sort trois fois funeste !
Pas le plus petit zeste,
Voilà ce qui me reste
De toutes mes valeurs !
Le krach… ah ! La sal’ bête
Leur a coupé la tête,
Leur a mangé les pattes ;
Au voleur ! Aux voleurs !
Adieu donc, à mes rentes
Hier encore apparentes
Aujourd’hui plus mourantes
Que mes vieux Panamas !
Dividendes énormes,
Dépassant toutes normes,
Titres de toutes formes,
Titres de tous formats !
Adieu mes Saragosse
Qui m’étaient, étant gosse,
Un lucratif négoce.
Mes Crédit mobilier !
Et mes Comptoir d’Escompte
Dont j’ignorais le compte !
Ils ne sont plus qu’un conte
Qu’il me faut oublier.
Adieu mes Générale
Et mes Commerciale
Et mes Pontificale
Que le Pape a béni,
Ma Rente Brésilienne
Et mon Italienne
Elle a filé, la chienne,
Comme un macaroni.
Dans la poussière vile
Gisent mes Deauville
Et de Paris mes Ville,
Et mes Chemins de fer ;
Et voilà mes Phosphores,
Mes Tramways des Karpathes
Qui se tirent des pattes
Chez le diable d’enfer.
Où sont mes Dynamites ?
Mes Petite Marmite ?
Dans le pays du mythe.
Où sont mes Portugais,
Mes Lombard, mes Bosphore,
Nitrates et Phosphore,
S’ils ne sont pas morts encore
Ils sont bien fatigués.
Où sont, rongés de rouilles
Mes Métaux ? et mes Houilles !
Et mes Mines d’Andouilles ?
Et mes Consolidés ?
Disparus comme un rêve !
Et voilà qui me crève :
Mes Omnibus en grève !
Mes Cuivres oxydés !
Où mes Transatlantique ?
Et mes Ors authentiques ?
Mes Argents prolifiques ?
Hélas ! tout ce qui luit…
De plus mes Téléphones
Dont j’avais pas ma d’aunes
Sont devenus aphones,
Et tous mes Gaz ont fui !
Ne vois-tu pas, sœur Anne,
Où sont mes Ottomane
Et mes Tors cette manne ?
- Nulle part. Abîmes…
Confondus dans l’espace…
Et mes Sucres ? bagasse !
Tombés dans la mélasse.
Et mes Tabacs ? fumés !
O déveine ! Ô purée
Noire, démesurée
Voire même inhumée !
Que faire ? En mon printemps
Vais-je, ô fortune obscène,
Me jeter dans la Seine ?
Me pendre à quelque chêne ?
Non, je n’ai pas le temps ;
D’autant qu’à ma tout de go
Sonne l’heure éloquente
De quatre heures cinquante ;
Heure où, sachez-le bien,
Cela seul m’intéresse
Même dans ma détresse :
Aller chez ma maîtresse
Aboyer comme un chien.
RAOUL PONCHON
le Courrier Français
17 nov. 1895
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