10 oct. 2008

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LE REGENT
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Le Regent : véritable diamant historique découvert en 1701 par un esclave indien à côté de Golconda, il pesait brut 410 carats. Une fois acquis par William Pitt, le Premier Ministre Anglais, il fut taillé en forme d'un coussin de 140.50 carats et, depuis qu'il fut vendu au Duc d'orléans, Régent de France quand Louis XV était un garçon en 1717, il fut nommé le Pitt. Il fut renommé Le Régent et siégea sur la couronne de Louis XV qui le porta à son couronnement. Après la Révolution Française, il fut détenu par Napoleon Bonaparte qui l'inclu au manche de son épée. Il est actuellement exposé au Louvre.
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Or, ces jours derniers, un larron
-Me suis-je laissé dire -
Dans ta galerie, Apollon !
Tenta de s’introduire.

On en a conclu sur -le-champ,
Sans doute à la légère,
Qu’il comptait voler « le Régent ».
Je crois qu’on exagère.


Qui sait si ce n’en était pas
Un, pour qui la peinture
Et l’objet d’art ont plus d’appas
Que cette pierre dure ?

Ou bien encore un député
Désireux de connaître
Si le Louvre était bien gardé ?
Cela pourrait bien être.


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*... *


Quoi qu’il en soit, ledit Régent
Est toujours à sa place,
Admirablement réfringent
Sous une triple glace.

Mais admettons qu’il soit volé,
Un beau jour - tout arrive -
Je n’en serais pas désolé
D’une façon bien vive.


Le Régent ! Excusez du peu !
-Diront des gens illustres -
Le Régent si pur, dont le feu
Ferait pâlir cent lustres !

C’est le plus fameux diamant,
Passant toute hyperbole,
Qu’il y ait sous le firmament.
Il vaut des sommes folles !


A cela je leur répondrai :
Parbleu, je ne l’ignore.
C’est un fort beau joyau, c’est vrai ;
Mais il faudrait encore

Cent mille fois son pesant d’or,
Pour peu qu’on en raisonne,
C’est une fortune qui dort
Et ne sert à personne.


A la rigueur on comprendrait
Si, dans les jours de fête,
Notre Marianne en parait
Sa poitrine ou sa tête.


Ou que, chaque an et tour à tour
Un jour on l’abandonne
A la Reine des Reines, pour
Egayer sa couronne…



Mais non. On garde ce Régent,
Avec sollicitude,
Pour épater les bonnes gens,
La pauvre multitude ;


Sous prétexte que rarement
On ne vit plus splendide
Et plus absolu diamant,
Et d’une eau plus limpide.


Certes ! Il est d’une belle eau ;
Mais combien je préfère
Une œuvre d’art, un bon tableau
Que le génie éclaire !


Les Régents ne remuent pas,
C’est certain, à la pelle…
Mais la chose rare n’est pas
Nécessairement belle.


A ce compte-là, mes enfants,
- J’en appelle à vous-mêmes -
Tels objets sont plus esbrouffants
Que la susdite gemme ;


Ainsi, l’homme à tête de veau
Est au moins aussi rare.
Il n’en est pour cela plus beau,
Ou ma raison s’égare !


RAOUL PONCHON

Le Journal
29 janv. 1908

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