15 sept. 2008

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FILS DE FAMILLE
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« Faut-il que vous soyez malins pour nous avoir faits. »
(Porte parole d’un des deux assassins.)
Journaux


Ah ! Dieu, non, mes pauvres andouilles,
Il n’était pas besoin, fripouilles,
D’être bien malin, il s’en faut,
Pour vous « faire » et dame Police
N’a pas montré grande malice
En ne vous cueillant pas plus tôt.

Maladroits comme des girafes,
Vous commîtes toutes les gaffes.
D’abord en changeant vos haillons
-Mettons… de travail - vos guenilles,
Pour des habits neufs, ô chenilles
Qui rêviez d’être papillons.

Chacun de vous, ivre d’épates,
Tracassa de ses lourdes pattes
Un chronomètre à huit rubis
Et, dans le moment, vous vous crûtes
Ainsi parés, non plus hirsutes,
Des fils de famille subits.


Encore y faut-il la manière,
La manière toute dernière ;
Et vous ne l ‘aviez pas, Dieu sait !
Partout vous laissiez votre piste,
Chacun de vos gestes, simpliste
Et mal appris, vous dénonçait.

Partout, vos niaises pratiques,
Dans les hôtels, dans les boutiques,
Vos regards en commission
Et vos incessantes alarmes,
Eussent pu créer les gendarmes
Dont vous aviez l’obsession.

On vous vit sabler des tisanes
Avec de belles courtisanes.
Et, dans votre folâtre humeur,
Vous faisiez, ô tristes fantoches,
Avec l’or qui creusait vos poches,
Le geste auguste du semeur.

Vous le répandiez à poignées,
Devant ces dames étonnées ;
Et les garçons, bien que ravis,
Se disaient : « Quelles sont ces poires
Qui nous accablent de pourboires ? »
Tel était aussi notre avis.


On vous vit - ça, c’est sans excuse, -
Dans les endroits où l’on s ‘amuse,
Où vous ne vous amusiez point,
Plastronnant en des avant-scènes.
On se moquait de vos dégaines,
De vos figures de chafouin…

Soit en public, soit en ménage,
Vous ne pouviez pas davantage
Vous trahir, du matin au soir,
Et devenir un point de mire,
Quand vous auriez, si j’ose dire,
Porté votre crime en sautoir.

Non, certes, il ne fallait guère
Être bien malin, pour vous « faire ».
Je pense que vos avocats
Expliqueront à la Justice
Ce cri dépouillé d’artifice,
Qui rendra meilleur votre cas.


RAOUL PONCHON
Le Journal
10 oct. 1910

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