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L'ARMEE EST UN PEU LA
.Je crois bien qu’étant militaire,
J’étais plus habile quasi
A peler des pommes de terre
Qu’à manipuler un fusil.
Ça se passait en l’an de grâce
Dix-huit cent septante. Et, ma foi,
J’estime que ceux de ma classe
N’en savaient guère plus que moi.
Aujourd’ hui, c’est une autre affaire.
L’armée a fait bien des progrès,
Nos tourlourous savent tout faire,
Sans se mettre beaucoup en frais ;
N’en doutez pas une seconde.
Ah ! Les braves petits gaillards !
Aussi bien, ils sont, par le monde,
Réputés comme débrouillards.
Et ce qui fait qu’on les admire,
Au milieu de tous nos gâchis,
C’est qu’ils ont toujours le sourire,
Et ne font jamais de chichis.
Pendant les hivernales crues,
Ayant de l’eau jusques aux reins,
Ne furent-il pas, dans nos rues,
Pompiers tour à tour et marins ?
Vous les vîtes encore à l’œuvre
Remplaçant ces messieurs facteurs…
D’aucuns, aux récentes manœuvres,
S’attestèrent aviateurs.
Quand, à sa façon coutumière,
Notre national Pataud
Nous escamote la lumière,
Ils nous la rendent aussitôt.
On a vu de quelle manière,
Ils cheminèrent, de ce pas,
Pendant cette grève dernière,
Les cheminots ne marchant pas.
Si les marmitons et les geindres
Nous manquaient, mourrions-nous de faim
Pour cela ? Non, non. Rien à craindre.
Nos pioupious nous feraient du pain ;
Et, grâce à leurs dons culinaires,
Nous cuisineraient des frichtis
Qui ne seraient pas ordinaires,
Des ratas et des clafoutis…
Leur protéisme tient du rêve,
Ils sont bons sur tous les terrains.
Que demain se mettent en grève
Je suppose - nos mandarins,
Les députés qui… que… j’abrège, -
Ou bien encor les vernisseurs
De pattes de dindons, que sis-je ?…
Les calculateurs, les danseurs…
Ainsi de suite, ainsi de suite…
Qu’arriverait-il de cela ?
Ce n’est toujours pas la faillite,
Nos petits pioupious étant là.
Et, ça ne m’étonnerait guère
En outre, le cas échéant,
S’ils faisaient aussi bien la guerre,
Comme ils font tout - en se jouant.
RAOUL PONCHON
Le Journal
31 oct. 1910
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