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CUISINE DECORATIVE
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CUISINE DECORATIVE
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Le salon culinaire ferme ses portes aujourd’ hui .
Dépêchez-vous.
Certe, en ces temps de carême,
On trouve réconfortant
De voir que l’art de Carême
Demeure chez nous constant.
Mais, cuisiniers de mon âme,
Et charcutiers de mon cœur,
Une chose que je blâme,
Et qui me met en fureur,
C’est votre coupable rage
A compliquer tous nos mets.
Français, c’est là de l’ouvrage
Que je n’admettrai jamais.
Je sais bien que la cuisine
Ne se fait pas au galop.
Tout de même j’imagine
Que vous la fignolez trop.
Vous êtes de grands artistes,
Cuisiniers et charcutiers,
Statuaires, mosaïstes -
Et je le dis bien volontiers…
Les uns, hardis et robustes,
Étant épris d’art nouveau,
Vont jusqu’à tailler des bustes
Par exemple dans… du veau.
Et, comme l’on fait la glaise,
D’autres sculptent le saindoux.
On peut en rire à son aise,
Je vous assure, quand vous
En faites de ridicules
Hauts reliefs ou bas-reliefs,
Ou des sujets de pendule.
Voilà quels sont mes griefs.
Ce qui m’étonnerait guère
C’est que moins fiers vous fussiez
De vos talents culinaires
Que de votre art de sculptier.
Tant pis. Nous avons, je pense,
Sans que vous vous y mettiez,
Assez de sculpteurs en France.
N’embrouillons pas les métiers.
*
* ...*
- Ces cuisines tripotées,
Direz-vous c’est plus flatteur.
- Qui sait ? pour les pochetées…
Moi, je réponds : serviteur !
Ça fait bien une table,
Je ne dis pas - de gala.
Mais on se demande : diable !
Est-ce aussi bon que cela ?
Malgré que je m’en rapporte
A vous, je puis hésiter ;
On me mettrait à la porte
Si je voulais y goûter.
Car, ô cruelle ironie !
Ces chefs-d’œuvre, pour n’en pas
Déranger l’âpre harmonie,
On n’y touche même pas,
En général. Tel convive
Va vous dire tout de go
Qu’à ces horreurs intensives
Il préfère un bon gigot.
*
* ...*
O chefs ! À vos casseroles !
A vos fourneaux, vos hachoirs…
Point de fioritures folles,
Et surtout point d’ébauchoirs.
Vous, faites-nous des saucisses,
Charcutiers, et du boudin ;
Et laissez les exercices à nos Rodin.
RAOUL PONCHON
le Journal
28 mars. 1911
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Dépêchez-vous.
Certe, en ces temps de carême,
On trouve réconfortant
De voir que l’art de Carême
Demeure chez nous constant.
Mais, cuisiniers de mon âme,
Et charcutiers de mon cœur,
Une chose que je blâme,
Et qui me met en fureur,
C’est votre coupable rage
A compliquer tous nos mets.
Français, c’est là de l’ouvrage
Que je n’admettrai jamais.
Je sais bien que la cuisine
Ne se fait pas au galop.
Tout de même j’imagine
Que vous la fignolez trop.
Vous êtes de grands artistes,
Cuisiniers et charcutiers,
Statuaires, mosaïstes -
Et je le dis bien volontiers…
Les uns, hardis et robustes,
Étant épris d’art nouveau,
Vont jusqu’à tailler des bustes
Par exemple dans… du veau.
Et, comme l’on fait la glaise,
D’autres sculptent le saindoux.
On peut en rire à son aise,
Je vous assure, quand vous
En faites de ridicules
Hauts reliefs ou bas-reliefs,
Ou des sujets de pendule.
Voilà quels sont mes griefs.
Ce qui m’étonnerait guère
C’est que moins fiers vous fussiez
De vos talents culinaires
Que de votre art de sculptier.
Tant pis. Nous avons, je pense,
Sans que vous vous y mettiez,
Assez de sculpteurs en France.
N’embrouillons pas les métiers.
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* ...*
- Ces cuisines tripotées,
Direz-vous c’est plus flatteur.
- Qui sait ? pour les pochetées…
Moi, je réponds : serviteur !
Ça fait bien une table,
Je ne dis pas - de gala.
Mais on se demande : diable !
Est-ce aussi bon que cela ?
Malgré que je m’en rapporte
A vous, je puis hésiter ;
On me mettrait à la porte
Si je voulais y goûter.
Car, ô cruelle ironie !
Ces chefs-d’œuvre, pour n’en pas
Déranger l’âpre harmonie,
On n’y touche même pas,
En général. Tel convive
Va vous dire tout de go
Qu’à ces horreurs intensives
Il préfère un bon gigot.
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* ...*
O chefs ! À vos casseroles !
A vos fourneaux, vos hachoirs…
Point de fioritures folles,
Et surtout point d’ébauchoirs.
Vous, faites-nous des saucisses,
Charcutiers, et du boudin ;
Et laissez les exercices à nos Rodin.
RAOUL PONCHON
le Journal
28 mars. 1911
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