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Char de l’Etat
Char de l’Etat
On ne leur doit que les sentiments qu’on a pour son cocher.
Il conduit bien ou il conduit mal…
A. DE VIGNY
(Journal d’un poète)
Pour jouir de leurs vacances
Ces messieurs nos présidents
Voulurent voyager dans
Les départements de France
Sur le char de l’Etat. Mais
On ne le trouva jamais.
Ils ne savaient comment faire
Quand le terrible Auvergnat
Dupuy leur dit : « Euréka,
Suivez-moi, j’ai votre affaire. »
Ils louèrent sans retard
Un ancien corbillard.
« C’est moi qui serai la rosse,
Dit Fallières. - C’est cela,
Dit Dupuy, et Loubet la
Cinquième roue au carrosse.
Deschanel sera cocher
Et me traînera. Marchez. »
A. DE VIGNY
(Journal d’un poète)
Pour jouir de leurs vacances
Ces messieurs nos présidents
Voulurent voyager dans
Les départements de France
Sur le char de l’Etat. Mais
On ne le trouva jamais.
Ils ne savaient comment faire
Quand le terrible Auvergnat
Dupuy leur dit : « Euréka,
Suivez-moi, j’ai votre affaire. »
Ils louèrent sans retard
Un ancien corbillard.
« C’est moi qui serai la rosse,
Dit Fallières. - C’est cela,
Dit Dupuy, et Loubet la
Cinquième roue au carrosse.
Deschanel sera cocher
Et me traînera. Marchez. »
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Alors dans un vestiaire
Fallières ôta son chapeau,
D’un cheval se mit la peau
Et une queue au derrière,
Puis il piaffa, s’ébroua,
Et pour hennir fit : Ouah, ouah !
Dupuy baissa la capote,
Fallières alla trottinant
Et Deschanel le tenant
En main, disait : Hu’ cocotte !
C’est ainsi qu’un beau matin
Ils sortirent de Pantin.
Quand ils entraient dans les villes
Ils se faisaient présenter
Toutes les autorités
Militaires et civiles.
Fallières se dételait
Quand c’était lui qui parlait.
Ils allaient dans les campagnes,
Ils franchissaient en courant
Mainte rivière ou torrent,
Escaladaient les montagnes.
Fallières, de temps en temps,
Se payait le mors au dents.
Dupuy, dans les préfectures
Habitait chez le préfet,
Abandonnant à Loubet
Les maigres sous-préfectures.
Quant au cocher Deschanel
Il descendait à l’hôtel ;
Quelquefois à la mairie.
Et puis on mettait le char
De l’Etat sous un hangar
Et Fallières l’écurie
Jusqu’au lendemain matin
Avec un bon picotin.
Il faut dire que ces frappes
Effrayaient tous les bourgeois,
Ils mangeait avec leurs doigts,
Se torchaient avec les nappes
Et pinçaient parfois le dos
A Jeanneton, à Margot.
Et partout où ces quatre hommes,
Dont un cheval, arrivaient,
Aussitôt sur eux pleuvaient
Trognons de choux et de pommes.
Loubet disait : « Trop de fleurs !
Nous prend-on pour des liqueurs ? »
Deschanel qui de sa vie
N’avait un cheval conduit,
Administrait, comme on dit,
D’l’avoine de Picardie
A son pauvre compagnon
Qui s’appelait : Collignon.
Un jour, las de ce supplice,
Fallières s’emporta,
Jetant le char de l’Etat
Dans le sein d’un précipice.
Et, qu’est-ce qu’il arriva ?
- Ah ! dam’je n’étais pas là.
RAOUL PONCHON
Le Courrier Français
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