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LES FABLES DE LA FONTAINE
.LES FABLES DE LA FONTAINE
Non plus qu’à la foire aux ferrailles,
On ne fait guère de trouvailles
Sur les quais, en tant qu’Elzévirs,
Aldes Manuces, incunables…
Ce ne sont que bouquins minables,
Eussiez-vous un flair de tapir…
On avait jadis de ces veines,
De ces magnifiques aubaines,
Si j’en crois tel ancien récit.
Mais à défaut de livres rares,
On en rencontre de bizarres
Quelquefois, témoin celui-ci :
C’est « les Fables de la Fontaine »,
Que, dans sa triste turlutaine,
Certain seigneur grammairien,
A cru devoir, ne vous déplaise,
Mettre en bonne langue française.
Comme vous voyez, c’est un rien !
Autant dire que ce « puriste »
Enlève à notre fabuliste
Tout son charme prime-sautier,
Son esprit, sa clarté, sa grâce,
Et ce qu’il y met à leur place
Est bien pour nous stupéfier !
Imaginez, en quelque sorte,
L’aigle réduit par le cloporte,
Hugo revu par Campistron,
- Encore croyez que je gaze -
Ou bien, si vous voulez, Pégase
Déplumé par Aliboron.
Mais, puisque ce baron, en somme,
A lu les fables du « Bonhomme »
Afin de les remettre à neuf,
Que n’a-t-il pris, le niquedouille,
Pour lui, celle de la grenouille
Qui tâche à s’égaler au bœuf !
*
* ...*
Hélas ! Ce cas n’est pas unique,
Chez nous, de ce baron cynique ;
Et l’on ne saurait dénombrer
Tous les faux amis de la Lyre,
Qui, d’ailleurs, nous font toujours rire,
Quand il ne nous font pas pleurer ;
Censeurs que le génie énerve
Portant leur tatillonne verve
Sur des chefs-d’œuvre indiscutés,
Pour, avec leur loupe risible,
Y trouver un « manque » possible,
Sans s’attarder à leurs beautés.
Ah ! plaignons ceux dont la manie
Est de réviser le dénie,
Sans pitié comme sans merci ;
Et sans insister davantage,
Moquons-nous de leur radotage,
Autant grêler sur le persil !
Ces terribles vendeurs du Temple
Font l’effet de gens… par exemple,
Qui n’auraient d’autre opinion
Sur le paon, malgré son plumage,
Que celle-ci - de son ramage :
C’est un oiseau qui dit : « Léon ».
RAOUL PONCHON
le Journal
14.04.1913
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