2 août 2008

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LES FABLES DE LA FONTAINE
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Non plus qu’à la foire aux ferrailles,
On ne fait guère de trouvailles
Sur les quais, en tant qu’Elzévirs,
Aldes Manuces, incunables…
Ce ne sont que bouquins minables,
Eussiez-vous un flair de tapir…

On avait jadis de ces veines,
De ces magnifiques aubaines,
Si j’en crois tel ancien récit.
Mais à défaut de livres rares,
On en rencontre de bizarres
Quelquefois, témoin celui-ci :

C’est « les Fables de la Fontaine »,
Que, dans sa triste turlutaine,
Certain seigneur grammairien,
A cru devoir, ne vous déplaise,
Mettre en bonne langue française.
Comme vous voyez, c’est un rien !

Autant dire que ce « puriste »
Enlève à notre fabuliste
Tout son charme prime-sautier,
Son esprit, sa clarté, sa grâce,
Et ce qu’il y met à leur place
Est bien pour nous stupéfier !


Imaginez, en quelque sorte,
L’aigle réduit par le cloporte,
Hugo revu par Campistron,
- Encore croyez que je gaze -
Ou bien, si vous voulez, Pégase
Déplumé par Aliboron.

Mais, puisque ce baron, en somme,
A lu les fables du « Bonhomme »
Afin de les remettre à neuf,
Que n’a-t-il pris, le niquedouille,
Pour lui, celle de la grenouille
Qui tâche à s’égaler au bœuf !

*
* ...*

Hélas ! Ce cas n’est pas unique,
Chez nous, de ce baron cynique ;
Et l’on ne saurait dénombrer
Tous les faux amis de la Lyre,
Qui, d’ailleurs, nous font toujours rire,
Quand il ne nous font pas pleurer ;

Censeurs que le génie énerve
Portant leur tatillonne verve
Sur des chefs-d’œuvre indiscutés,
Pour, avec leur loupe risible,
Y trouver un « manque » possible,
Sans s’attarder à leurs beautés.


Ah ! plaignons ceux dont la manie
Est de réviser le dénie,
Sans pitié comme sans merci ;
Et sans insister davantage,
Moquons-nous de leur radotage,
Autant grêler sur le persil !

Ces terribles vendeurs du Temple
Font l’effet de gens… par exemple,
Qui n’auraient d’autre opinion
Sur le paon, malgré son plumage,
Que celle-ci - de son ramage :
C’est un oiseau qui dit : « Léon ».


RAOUL PONCHON
le Journal
14.04.1913

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