25 juil. 2008

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LE TRAITEMENT DU PRESIDENT
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Le Président touche douze cent mille francs par an


Il est tels esprits hostiles,
Mercantiles,
Qui trouvent ce traitement
Excessif et sans mesure,
Qu’on assure
Au chef de gouvernement.

Eh bien, moi, simple barbare,
Je déclare
Que ça n’est pas le Pérou…
Pas de quoi remplir la poche,
La sacoche -
Si l’on veut - d’un kangourou.

Réfléchissez qu’à cette heure,
Où le beurre
Vaut la livre, ô dieux témoins !
D’après les mercuriales
De nos halles
Dix-sept cents francs - même moins ;

S’il n’a pas une fortune
Opportune
Qui lui vient de son papa,
Ou de sa propre industrie,
D’Illyrie
Ou du Monomotapa :

Je vous demande un peu, qu’est-ce,
Pour sa caisse,
Ce malheureux million ?
Il n’en a, le camarade,
Pour son grade :
Telle est mon opinion.

Ainsi, tenez : je suppose
Une chose,
C’est, par exemple, il soit
D’une nature artistique,
Et qu’il tique
Sur quelque Corot de choix…


Quel argent a-t-il à mettre
Sur ce maître ?
Corot n’est-il pas trop… vert ?
Il ne peut donc s’offrir guère
Qu’un vulgaire
Et cotonneux Trouillebert.

Il n’est pas - soyons sincère -
Nécessaire
Qu’il ait un Corot… J’entends
Par là que pour sa dépense,
En substance,
Il doit être regardant.

Eh bien, je dis que c’est triste,
Et j’insiste.
En revanche - dira-t-on -
Il n’a rien du tout à faire,
Dans sa sphère,
Qu’à rouler en phaéton.

*
* ...*



Non. Ce n’est pas une pure
Sinécure
Que l’emploi d’un chef d’Etat
Qui, dans sa suprématie,
Se soucie
De bien remplir son mandat.

Ce million qu’il émarge,
Ne surcharge
Pas autrement le budget :
Il ne faut pas le lui plaindre :
Pourquoi geindre
Comme s’il nous égorgeait ?…

Ton budget, ô République !
Se complique
Surtout de tes chers élus
Qui touchent, pour leur besogne,
Sans vergogne
Relativement bien plus.


RAOUL PONCHON
le Journal
20 janv. 1913


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