19 juin 2008

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LA NOUVELLE MOD
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J’admire fort cette mode
Que les femmes ces jours-ci
Adoptèrent. Plus commode,
Plus logique aussi.

De même elle est plus allante ;
Ah ! comme elles ont bien fait
De lâcher la précédente !
J’estime, en effet,

Qu’elles-mêmes étaient dupes,
Sans vouloir en convenir,
Quand elles portaient des jupes
A faire frémir,

Dénaturant leur démarche
( Sans que rien les y forçât ),
Comme un boulet fait la marche
D’un pauvre forçat.

*
* ...*



La voilà donc échancrée
Cette jupe de tourment,
Et, sans plus de simagrée,
Généreusement !

Elle tient du « Directoire »
Avec un rien de persan.
Ce semble contradictoire…
Ma foi, jugez-en.

Elle ne vaut pas tripette
Pour danser «
la monaco » ,
Je la crois simplement faite
Pour le seul tango.

*
* ...*


Mais toute nouvelle mode,
Et quels qu’en soient les atours,
Toutes elle n’accommode.
Las ! comme toujours,

Elle n’est pas pour chacune.
Comme elle habille fort peu,
La tout dernière moins qu’une
Autre, s’il se peut…


Il y faut la jambe fine
Sous ce mince falbala,
Et, de même, une poitrine
Qui soit un peu là.

Nous ne demandons, en somme,
Rien d’énorme, surhumain…
Il suffit qu’un honnête homme
En ait plein la main.


Je veux à nos Cydalises, *
Ni des manches à balai,
Non plus des piliers d’église,
En fait de mollets.

Or, si telle nous révèle,
Par en haut et par en bas,
Avec la mode nouvelle,
De fermes appas,

Combien d’autres, en revanche,
N’ont rien à mettre en valeur,
Mollets ronds ni gorge blanche…
Voilà le malheur !

Si vous n’avez nulle chose
A nous faire voir, merci !
Il faut la cacher, si j’ose
M’exprimer ainsi.


RAOUL PONCHON
le Journal
07 juillet 1913

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